Longeant l’avenue Trudaine, la cité scolaire est un lieu chargé d’histoire. En compagnie de l’association « Sauvons le patrimoine du lycée Jacques-Decour ! » créé en 1991 et animée avec passion par d’anciens professeurs, notre petit groupe a eu le privilège de découvrir des endroits habituellement fermés au public.
Aux origines, la communauté religieuse Sainte-Barbe, fondée en 1690 à l’ombre de la Sorbonne prit le nom de Collège Rollin en 1830. Devenu trop exigu, Paris fit construire à partir de 1867 un nouvel établissement sur l’emplacement des anciens abattoirs de Montmartre. À la Libération, le lycée Rollin est officiellement rebaptisé Jacques Decour, pseudonyme de Daniel Decourdemanche, professeur agrégé d’allemand, résistant, et fusillé au Mont-Valérien en mai 42.
Sous les arcades, on retrouve un bronze de Jacques Decour. Au sol, de magnifiques mosaïques signées de l’italien Facchina qui réalisa celles du Palais Garnier ou encore de la Galerie Vivienne.
L’on apprend que dernière les fenêtres des derniers étages, des dortoirs et chambres individuelles pour les plus fortunés, accueillaient les internes. Jusqu’en 1968, point de filles ici mais des garçons et un corps enseignant uniquement masculin.
Nous passons par le couloir des moulages mêlant bustes de l’Antiquité, personnages historiques et scientifiques illustres. Les élèves se devaient pour parfaire leur histoire de l’art d’exécuter des copies en plâtre à partir d’empreintes prises sur des originaux.
Une cour d'honneur agrémentée de verdure, encadrée de bâtiments avec arcades. Autrefois, le dernier étage mansardé accueillait les internes.
Nous pénétrons dans le théâtre qui sert toujours aux représentations et accueille les professeurs lors de la réunion de pré-rentrée. Équipé d’une scène tournante, son architecture innovante de fer et d’acier, autorise une plafond tout en courbure. À l’époque, chaque élève avait sa place numérotée attitrée et s’y tenait la distribution des carnets de notes en public. Une cérémonie redoutée alors par de nombreux élèves.
Comme de nombreux théâtres du quartier, celui du lycée est équipé d'une scène tournante permettant de changer facilement de décors.
Au sein de la chapelle, des vitraux aux motifs floraux.
Le couloir des moulages en plâtre, exécutés par des générations d'élèves.
La Chapelle restée en activité jusqu’à l’avènement de la République, dévoile des vitraux floraux, prémisses de l’Art nouveau et un orgue magnifique qui resta muet plus de 30 ans. En 1974, grâce à l’énergie d’un professeur de musique, Bernard Maugui et de ses élèves, l’instrument résonna à nouveau. Près de 500 personnes se pressaient lors du grand concert annuel avec orchestre. Boris Lefeivre, titulaire de l’orgue, avait pour habitude d’agrémenter la journée des enseignants et des élèves avec un concert à la pause de midi.
Un passage par l’ancienne bibliothèque des professeurs typique d’avant la guerre de 14-18 renseigne sur la richesse des collections avec quelques 10 500 livres et nombreuses revues, rangés par sujet à l’abri de bibliothèques vitrées. Un endroit resté dans son jus très apprécié du cinéma. Il a notamment servi de QG à Arsène Lupin, interprété par Omar Sy.
Parmi les archives, des photos de classes avec élèves et professeurs portant cravates et lavallières.
La visite se termine par le cabinet de physique où nous attend un professeur chargé d’exécuter plusieurs expériences. Parmi les trésors de la collection d’instruments datant de la fin du 19e, début 20e, une lentille de Fresnel et les hémisphères de Magdebourg.
En mai 2024, le lycée eut la joie de recevoir l’un de ses illustres élèves, Edgard Morin, 103 ans, qui fit ici toute sa scolarité dans les années 30.
Frédérique Chapuis
L'ancienne bibliothèque des professeurs riche de plus de 10 500 livres et revues à caractère scientifique.