Suite à des épisodes douloureux de "burn out" et de "bore out" au travail, Marion, ancienne consultante, va se repenser. Elle trouve désormais son équilibre dans un métier manuel. Devenue artisane serrurière, elle exerce au sein de sa structure "Soeur Serrure" au coeur du 9e.
Après cinq années à travailler en agence de pub et dans l'univers du jeu vidéo, Marion a trouvé son équilibre. Diplômée d'État, elle exerce désormais le métier de serrurière.
Ses consœurs se comptent sur les doigts de la main sur Paris et toute l’Ile-de-France. C’est dire si dans son métier, on rencontre peu de femmes. « Le BTP est un monde masculin mais ça change. Il y a des staffeuses, des plâtrières, des charpentières et quelques maçonnes » se console Marion Oudin qui après une première vie professionnelle dans le consulting, s’est réorientée dans un tout autre secteur.
Désormais, son quotidien se conjugue au gré des appels et des rendez-vous : une porte claquée, un réglage, une rénovation, une sécurisation ou un blindage de porte. Et hop, la voilà enfourchant « Tornade » son vélo électrique, matériel chargé dans le sac à dos, sillonnant tout Paris et sa petite couronne, pour honorer ses chantiers.
Depuis huit mois, la jeune femme, artisane serrurière, rayonne à nouveau : « Je souhaitais faire une activité manuelle tout en aidant les gens. Répondre à des besoins de base qui sont souvent mal honorés », et participer à changer la piètre image de la profession.
Bye bye la vie de bureau !
Native du Loir-et-Cher, diplômée de Science-Po Bordeaux, Marion posait ses valises il y a 7 ans à Paris et décrochait son premier job en agence de pub : « C’était riche intellectuellement mais c’était rude ». Supportant des charges de travail et des horaires à rallonge, Marion s’accroche : « J’avais réussi. C’était ma vie mais je devenais dingo à travailler pour des produits qui polluent nos poumons ». Bientôt confrontée à un environnement peu bienveillant, voir malsain, elle se résout à quitter l’entreprise. Une démarche rapidement menée car elle dispose alors de toutes les preuves, mails et témoignages, du harcèlement subi.
Nouveau poste, cette fois dans l’industrie du jeux vidéo, « un rêve de gosse » mais là encore, grosse déception. Dans un petit studio, elle frôle le « burn out », tandis que chez un grand éditeur et développeur de jeux, une fois sa mission terminée, elle fait l’expérience du « bore out », à fixer son écran 8h par jour sans nouvelle tâche à réaliser.
Le départ s’avère compliqué, « tout s’écroulait », la rupture conventionnelle mettra des mois à être signée. La dépression gagne du terrain.
Dès lors, Marion fait une croix sur le travail de bureau, synonyme pour elle de « prison mentale », et met de côté ses rêves de cols-blancs. « Il fallait que j’utilise mon corps, revenir à l’essentiel et être en accord avec mes valeurs, loin du vide existentiel que j’avais connu. »
Une reconversion réfléchie et bien menée
Prenant le temps de s’écouter, elle réalise quelques stages en plomberie mais c’est la serrurerie qui va véritablement l’emporter. Un chemin qui aboutit à l’obtention d’un diplôme d’État en septembre 2023. C’est aussi une rencontre déterminante, avec Amélie « la serrurière de Paris », qui va la conforter dans son choix. « Elle m’a prise sous son aile. Je l’ai suivie sur ses chantiers. J’ai absorbé la technique pour pouvoir l’appliquer aisément. »
Marion travaille son positionnement, établit ses tarifs, choisit son statut, compare les assurances et investit dans un beau stock d’outils.
Résidant rue de Bellefond, elle loue l’aspect central du 9e et la proximité du Forum du Bâtiment, rue de Maubeuge.
En intervention, elle apprécie la gestuelle technique, « C’est très apaisant. Une fois que tu l’as connais, c’est pour toujours. Moi qui bossais des abstractions sur powerpoint ! », est fière de son arrache-cylindre qui arrive à bout des modèles les plus retors.
Mais c’est surtout le retour immédiat des client.e.s qui justifie tous ses efforts . Elle se souvient d’un appel à 23h un dimanche soir pour une porte claquée. Un grand classique ! Tous les voisins avaient essayé sans succès la technique de la radio. Elle raconte : « C’était au début de mon activité. J’’étais un peu en stress en y allant. Mais en 30 secondes, j’ai réussi à ouvrir la porte. La dame m’a sauté dans les bras. J’en ai encore des frissons. »
Marion, très sensibilisée à la sécurité des femmes, victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles, se mobilise au sein de la Maison des Femmes de l’AP-HP. Elle les aide bénévolement à sécuriser leur porte. « Pouvoir rentrer chez soi et se sentir en sécurité, c’est un besoin essentiel » explique-t-elle.
Marion se déplace à vélo électrique dans tout Paris et la petite couronne. Évitant les embouteillages, limitant l'empreinte carbone, elle se gare facilement et est toujours à l'heure.
Un site internet, une présence sur Instagram, sur la plateforme BatiFemmes, (le 1er réseau des artisanes du second œuvre), et membre du collectif féministe Ici l’Établi, des tarifs affichés sans surprise, des avis 5 étoiles, Marion en bleu de travail toujours impeccable, voit désormais la vie en rose.