Parents, personnel enseignant et élus se mobilisent alors que le rectorat de Paris prévoit la fermeture de 187 classes en primaire à la rentrée prochaine. Des fermetures justifiées par un nombre d’élèves en baisse* et un bon taux d’encadrement. Le point dans le 9e, un arrondissement qui n’est pas épargné.
« C’était prévisible » lâche le directeur de l’école rue de la Victoire, « pour autant, cette décision n’est pas acceptée » ajoute-t-il. Interrogé ce mardi, Jean-Luc Desmazure reste combatif et attaché à ses sept classes.
« Nous dénonçons la logique comptable derrière cette décision. L’aspect humain et la réalité de la vie quotidienne des écoles ne sont pas pris en compte » déplore le directeur.
Si la baisse des inscriptions est une réalité, 40 élèves de moins recensés à la rentrée 2022 dans cet établissement scolaire, pour le directeur, « l’école n’est pas loin des barèmes mis en place par l’académie de Paris », soit en moyenne 18,5 élèves par classe contre 21,7 élèves au niveau national.
Car une classe qui ferme veut dire concrètement surcharger les autres.
« On va se retrouver avec des classes de 27, voire 28 élèves » se désole le responsable de l’école primaire. Comment alors assurer un bon suivi des élèves, notamment ceux qui se retrouvent en difficulté ?
Une fermeture qui poussera un enseignant à quitter l’école. « Et avec les suppressions annoncées sur Paris, ce sera difficile pour le partant de retrouver un poste » pointe le directeur qui ne cache pas son inquiétude.
Une mixité sociale à préserver
Si le 9e a l’image d’un quartier socialement favorisé, le directeur accueille une population mixte. Certains élèves viennent de logement sociaux, d’autres sont hébergés en hôtels d’accueil. Pour ceux-là, le suivi parental est souvent inexistant et l’école représente l’unique repère éducatif. Et M. Desmazure d’ajouter, « Quel que soit le milieu social, certains enfants ont des handicaps, peuvent être sujet à des troubles et rencontrer des difficultés. »
Or, si les effectifs par classe augmentent sensiblement, les équipes enseignantes craignent des conditions d’apprentissage dégradées. « Ce n’est pas un luxe d’avoir des classes de 18 à 20 élèves. C’est surtout la condition de la réussite pour chacun d’eux » rappelle le directeur.
C’est aussi le gage d’une école publique qui reste attractive vis-à-vis du privé souvent mieux doté en moyens humains.
Façade de l'école élémentaire publique, 16 rue de la Victoire, Paris 9.
L’école du 21 rue Milton
Le directeur Youenn Goasdoué s’est rendu au rectorat comme soixante autres de ses confrères et consœurs mardi matin pour plaider sa cause auprès de l’inspection de Paris. En clair, il espère échapper à la fermeture d’une classe au sein de son établissement. « L’inspectrice a pris note et doit transmettre au directeur académique » précise-t-il sans grande conviction.
Pour l’école de la rue Milton, qui compte dix classes plus un regroupement d’élèves au sein d’une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants, l’enjeu est de taille. « Ces élèves, de toutes origines et de tous âges, sont répartis dans les différentes classes et disposent d’un planning sur mesure. Nous faisons de la dentelle et nous savons le faire » argumente le directeur.
L’école Milton abrite la seule structure de l’arrondissement à pouvoir accueillir les élèves nouvellement arrivés en France, résidant dans le 9e et sans maîtrise de la langue française. Certains enfants viennent de plus loin, du 8ème et du 10ème, par manque de place dans leur arrondissement respectif.
”J'accueillerai moins et moins bien.
Youenn GoasdouéDirecteur de l'école élémentaire Milton
Si la fermeture de classe était actée, elle mettrait en péril le fonctionnement de ce regroupement. L’école, alors réorganisée en classes à double niveau, fonctionnerait avec des effectifs trop lourds. « On passerait par exemple à 25 élèves pour une classe de CE1/CE2. Dans ces conditions, nous n’aurions plus la souplesse nécessaire pour inclure des élèves étrangers en assurant une vraie différenciation des apprentissages » signale M. Goasdoué.
« J’accueillerai donc moins et moins bien » résume le directeur, pessimiste, qui compte malgré tout sur la mobilisation des parents – une pétition circule et devrait bientôt être mise en ligne – et sur le soutien de la maire d’arrondissement Delphine Bürkli.
Avec l’ouverture d’un centre d’hébergement d’urgence, rue Rodier en 2022, coïncidant avec la fin des travaux d’un immeuble de treize logements sociaux, Cité Charles Godon, l’école est incapable de prévoir aujourd’hui combien d’élèves se présenteront pour l’inscription à la rentrée prochaine.
« Tout ça aurait pu être anticipé car la baisse des effectifs sur Paris ne date pas d’hier » s’étonne le directeur. « Pourquoi cette année ? On décide après les élections législatives et avant la présidentielle afin de ne pas faire de vagues. »
La casse de l’école publique
De son côté, la FCPE, la principale fédération de parents d’élèves, dénonce une « casse de l’école publique » et déplore depuis plusieurs jours la « saignée » que vont subir les établissements parisiens à la rentrée 2023. Les écoles des quartiers les moins favorisés du nord et de l’est de la capitale (18e, 19e, 20e) sont les plus touchées par ces fermetures annoncées.
Face à la bronca des écoles, des organisations syndicales, élus locaux et parents d’élèves, le rectorat qui devait officialiser ce jeudi soir la liste des fermetures de classes parisiennes, a reporté sa décision courant mars, le temps d’éplucher les courriers de protestation reçus et peut-être de revenir sur sa position concernant certaines écoles.
Alors que le gouvernement martèle la nécessité d’investir dans le 1er degré, les coupes budgétaires semblent avoir sa préférence plutôt que le maintien d’un taux d’encadrement qui avoisine les vingt élèves par classe, principal levier pour réduire les inégalités scolaires à Paris, où élèves aisés et plus pauvres se côtoient souvent dans une même classe.
Frédérique Chapuis
*Sur ces dix dernières années, le nombre d’élèves a baissé de 20 % dans l’académie de Paris, soit 27 500 élèves en moins. En 2022, la capitale a perdu 4 100 élèves. En cause : la baisse de la natalité et démographique avec l’exode urbain des familles fuyant les prix prohibitifs de l’immobilier parisien, un mouvement qui s’est amplifié avec la période Covid.
Dans le 9e, huit écoles sont touchées par la fermeture de classes
Écoles élémentaires
21 rue Milton : 1 classe
10 rue de Clichy : 1 classe
32 rue Buffault : 1 classe
15 rue Turgot : 1 classe
16 rue de la Victoire : 1 classe
Écoles maternelles
34 rue Buffault : 1 classe
9bis rue Blanche : 1 classe
12 rue Clauzel : 1 classe