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Une exposition fait revivre la mémoire du Bal Tabarin, ancien cabaret devenu music hall à succès. L'institution montmartroise, située rue Victor Massé, éternel rival du Moulin Rouge, enchanta les nuits parisiennes pendant plus de 40 ans.

Lieu de plaisir et de danse dont les artistes raffolaient, l’esprit du Bal Tabarin flotte dans les salons Aguado de la mairie du 9e, ranimé par des affiches d’époque, des photos en noir et blanc, des extraits filmés de revues et autres documents précieux.

Un cabaret à la mode

Le bourgeois venait s’y encanailler lors de grands bals costumés initiés par le compositeur et chef d’orchestre Auguste Bosc, fondateur du cabaret en 1904.
On y assiste à des combats de boxe féminins, on y organise moults concours, celui de la plus belle poitrine ou du plus beau mollet, on se délecte de danses coquines et autres Tabarinettes entre femmes.
Quand le Moulin Rouge est ravagé par les flammes en 1915, les danseuses du cancan accueillies par le Bal Tabarin en deviennent la principale attraction.
Autant de souvenirs exhumés des riches collections d’Anne-Marie Sandrini, fille de de la danseuse étoile Andrée Rapo et de Pierre Sandrini, ce dernier prendra la direction en 1928 de l’établissement, inaugurant une nouvelle ère.

L'âge d'or du Tabarin

L’ancien directeur artistique du Moulin Rouge, associé à Pierre Dubout, transforme la salle de fond en comble. Les nouveaux décor sont signés d’artistes de renom tel que Tirtoff dit Erté qui incarne le goût et l’esthétique de l’époque. Pour le ballet intitulé « Métal », ce dernier fabrique des costumes en aluminium, plus de trente ans avant le travail de Paco Rabanne, un visionnaire dans le monde de la mode.

Toujours à l’avant-garde, Sandrini engage Marcel Bergé, venant des Ballets Russes, comme co-auteur des revues, chorégraphe et metteur en scène. Place au faste des spectacles inspirés des Segfeld Follies de Broadway.

Affiche du Bal Tabarin signé Paul Colin

Affiche signée Paul Colin représentant Joséphine Baker pour le charleston, L’Argentina, surnommée la Pavlova du Flamenco et Jane Avril pour le cancan.

Sur deux écrans installés au sein de l’exposition, des extraits filmés font revivre l’éclat de fêtes luxueuses et de dîners somptueux. Rien n’est trop beau pour le Bal Tabarin.
Et soudain, une machinerie complexe fait apparaître une immense coupe de bain moussant couvrant de belles sirènes. C’est dénudé mais chic. La scène mouvante joue l’effet de surprise, les miroirs subliment les costumes.
Sur scène, le cancan modernisé, plus aérien, est désormais exécuté par des danseuses classiques, le mythe de La Goulue, jugé trop vulgaire, a vécu.

Dès les années 30, l’endroit est couru du tout-Paris : Joséphine Baker, en voisine, elle a son club à côté, Man Ray le fixe sur pellicule, Éluard, inspiré, en fait un poème, Colette l’écrit dans une revue tandis que la couturière Jeanne Lanvin y lance ses nouvelles collections.

Affiche du Bal Tabarin avec un couple habillé

Affiche du Bal Tabarin - Jules Grün.
Coll. Anne-Marie Sandrini.

Costume de Cancan sur danseuse, une esquisse de Eté, aquarelle

Costume du cancan - Maquette de Erté, aquarelle.
Coll. Anne-Marie Sandrini.

Cartes postales et photos du Bal Tabarin sous vitrine.

Le succès du Bal Tabarin est assuré par des spectacles de danse changeant régulièrement et par le final du French cancan. Coll. Anne-Marie Sandrini.

Extrait de revues du Bal Tabarin diffusé sur un écran

Des extraits de revues filmées sont diffusés sur écran, fragile mémoire du Bal Tabarin.

La fin d'une époque

Avec la défaite de 40, le lieu fermé sert la soupe populaire aux artistes, Réouvert, il est fréquenté par les officiers allemands, friands de spectacles, ce sont eux qui font tourner l’ensemble des cabarets parisiens. En 44, Django Reinhardt joue avec son orchestre.
À la Libération, le Bal Tabarin retrouve sa clientèle fidèle qui vient se changer les idées en écoutant les vedettes Mistinguett et Maurice Chevalier.
Quand en 1949, Pierre Sandrini décède dans un accident de voiture, sa veuve reprend la direction, arrive à monter une ultime revue avant, la mort dans l’âme, de céder le Bal lors d’une vente aux enchères. Les frères Clerico, propriétaires du Moulin Rouge emportent la mise et vont laisser mourir leur concurrent à petit feu.

Le Bal Tabarin ferme définitivement en 1953. En juin 66, lors d’une dernière soirée d’adieu, Zizi Jeanmaire, Devos, Gréco se succèdent sur scène, Tchernia est en direct pour l’ORTF, avant l’arrivée des démolisseurs et l’édification d’un immeuble d’habitation.

Frédérique Chapuis

La façade ornée du Bal Tabarin, première période

Le Bal Tabarin, première période, et son étonnante façade ouvragée. Roger Viollet.

Mairie du 9e, 6 rue Drouot, Paris 9e.
Exposition « Au Bal Tabarin »
Du 6 au 17 avril 2025
Pour aller plus loin :
Une série de podcasts racontée par Dominique Boutel fait revivre l’histoire du Bal Tabarin.