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Belle découverte de trois artistes qui chacun avec son moyen d’expression, la peinture, le dessin et la sculpture, interroge, constate ou simplement tente d’attraper un regard, porteur d’une émotion.

Jeanne Rimbert : Construction/Destruction
Faïence blanche émaillée, carton et bois - 1m

Elise Steiner : Jeu de mains - Handspiegel #1 - Encre albo, encre de Chine et crayon - 50 x 50 cm

Carlos Araya Vargas : Alep - Huile sur toile - 200 x 150 cm

Lorsque l’on demande à Carlos Araya Vargas si ses peintures ont été réalisées in situ, il répond facétieux « Il n’est pas nécessaire d’aller sur la lune pour écrire un poème sur la lune ». Pour cette série Alep, s’appuyant sur une palette monochrome, l’artiste utilise des photos diffusées sur Internet et les retravaille, se les réapproprie sur de grandes toiles. « Alep est la ville symbole des destructions occasionnées par les humains sur d’autres humains ». L’homme est d’ailleurs absent des toiles, comme extériorisé de la scène ; ne reste que les décombres et le chaos d’une ville détruite par les bombes.

Carlos parle d’un « travail de constat ». Lorsqu’il peint les tentes de migrants à Paris, qu’il voit défiler à vélo sur son chemin vers Aubervilliers où l’attendent ses élèves-patients du centre de psychiatrie, il magnifie volontiers les couleurs. « On dirait des bonbons acidulés » s’exclame-t-il mais l’apparence est trompeuse car c’est un drame qui se joue quotidiennement sous nos yeux.

La grande affaire de ce Chilien qui vit à Paris depuis les années 90, c’est notre environnement immédiat, les paysages, qu’ils soient bucoliques ou urbains et ce qu’ils racontent de notre monde.

Carlos Araya Vargas : Alep - Huile sur toile.

Dessin © Élise Steiner

Autre démarche, autre expression graphique tout en finesse avec Élise Steiner (lauréate du prix Roger Marage 2020) qui ne jure que par le dessin. Ces œuvres à l’encre de chine, subtilement rehaussées de gouache, naissent de son imagination ou sont réalisées à partir de modèles vivants en atelier. Toutes s’attachent au corps, « surtout la tête et les mains » souligne Élise, un corps contraint dans un cadre.

Élise fonctionne avec les pleins et les vides, travaille au trait. D’une tache d’encre aléatoire qu’elle va regarder de longues heures, parfois dans un miroir, elle va trouver une ligne, généralement celle du cou : « C’est elle qui va donner le sens. Viennent ensuite naturellement l’épaule et la tête ». Quelques fois, la tache d’encre arrive en fin de travail, sorte de mise en abîme dans le dessin.

Le mystère d’un regard, la position des mains sur l’épaule racontent une histoire. Le dessin comme traducteur d’émotion, nous touche.

Ces fragments de corps, ces nus et visages de tous âges, sont illuminés de taches de couleurs, une encre « orange indien » qu’Élise se procure chez le fabriquant familial L’orange Bleue et dont elle apprécie la profondeur et l’intensité.

La sculptrice Jeanne Rimbert travaille la faïence, le grès mais aussi la terre et la peinture. Elle aime décloisonner les pratiques pour créer ses sculptures et installations qui interrogent le monde contemporain. En associant des objets industriels, manufacturés, comme les pneus de voiture, le métal à de la faïence, elle pose un regard à la fois doux et dur sur nos sociétés modernes. Son installation Crash renvoie à une vision de l’accident imminent où les pneus peuvent tout écraser sur leur passage. Dans tout ce noir, une goutte de faïence rouge sang interpelle.

Composée en partie d’éléments de récupération, l’artiste interroge également la réalité de nos paysages : décharges à ciel ouvert, cimetières de caoutchouc…

Avec son ensemble de « formes habitables » qui conjugue faïence et carton, le pérenne et le périssable, Jeanne montre fissures, failles et craquellements dans nos habitats soudain livrés à eux-mêmes. Sphères et autres cubes composent un paysage urbain en décomposition… Ces restes sont-ils les ruines d’une cité antique engloutie ou les stigmates d’un monde en guerre ? Un monde fragilisé comme une métaphore de notre époque.

Jeanne Rimbert - Crash - Caoutchouc, métal, faïence

Une aide bienvenue aux artistes

La fondation, reconnue d’utilité publique, doit son nom au baron Taylor (1789-1879), grand voyageur et homme de lettres, qui oeuvra à la protection des artistes à travers des associations de secours, sorte de mutuelles avant l’heure.
En 2022, le soutien à la création reste une nécessité, d’autant que le secteur culturel a été touché de plein fouet par la crise sanitaire. Toutefois la fondation peut compter sur son réseau de fidèles amateurs d’art. « Nous avons nos habitués, avides de découvrir de nouveaux talents, fins collectionneurs. Il y a aussi un public capable d’acquérir une toile ou une sculpture sur un coup de coeur. Et puis le samedi, les gens du quartier, des familles avec poussettes viennent faire un tour. C’est un lieu vivant, ouvert sur la ville » explique Isabelle Hostein, déléguée à la galerie de la Fondation.
Alors, n’hésitez pas à pousser la porte de la Fondation Taylor, pour admirer les œuvres exposées au rez-de-chaussée et grimper à l’atelier où vous y attendent de belles découvertes.

Frédérique Chapuis

Fondation Taylor
1, rue La Bruyère, Paris 9.
Exposition : du 27 octobre au 19 novembre 2022
Horaires d’ouverture : du mardi au samedi, de 13h à 19h