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Ancienne technique d’imprimerie inventée par les Chinois, la sérigraphie reste intrigante et magique. Installé rue Louise-Émilie de la Tour d’Auvergne, l’atelier L’Insoleuse propose de l’initiation et des ateliers pour enfants et adultes.

Dès lors que plusieurs artistes français, Matisse en tête, s’emparèrent de la sérigraphie, la technique, jusqu’alors cantonnée au domaine industriel, connaîtra un intérêt et une mise en lumière. Si la vague du Pop Art, au mitan des sixties, achève de la populariser dans le milieu artistique, pour le grand public, ce procédé d’impression demeure très mystérieux. Encore aujourd’hui, chaque fois qu’Amandine Cochin, artisan en sérigraphie, annonce son métier,  la plupart de ses interlocuteurs la regardent avec de gros yeux ronds. « Ils me disent invariablement “je ne me représente pas du tout ce que tu fais” » précise-t-elle dans un sourire.

Pour elle, ce sont les images d’Andy Warhol – on a tous à l’esprit ses séries aux couleurs vives de Marilyn, Presley ou encore Liz Taylor – qui l’ont l’interpellée, plus jeune.

Cette ancienne psychologue, spécialisée en criminologie, qui a exercé une dizaine d’années au Tribunal de grande instance de Paris s’est mise à la sérigraphie pendant son temps libre. Son grand-père ébéniste, son père architecte, sa grand-mère couturière et cuisinière hors-pair, lui ont transmis une sensibilité à l’art, au beau, à la matière.
Alors, elle découpe, utilise du scotch, un rouleau, de l’encre et la lumière du soleil pour exposer ses images. Elle fréquente ensuite un atelier partagé de la mairie de Paris. « On pouvait pratiquer de manière très libre. J’ai découvert un monde. »

D’une pratique de loisir à l’activité professionnelle

La vie évoluant, elle arrête son activité professionnelle, se consacre à ses quatre enfants tout en continuant à pratiquer la sérigraphie. C’est une pancarte « bail à céder » rue de La Tour d’Auvergne qui changera le cours de son existence. « Je passais devant ce local tous les jours depuis quinze ans. Les vitres étaient filmées. On ne voyait rien de l’intérieur » se rappelle Amandine.
L’endroit sert alors d’entrepôt de stockage à une entreprise d’enseignes lumineuses. « Il y avait un point d’eau, pas d’électricité, mais l’espace était suffisamment grand pour envisager un atelier et recevoir du public. » Le local récupéré dans son jus avec moquette au sol et tissu au mur nécessite six mois de travaux.

Portrait photo d'Amandine Cochin dans son atelier de sérigraphie

Amandine Cochin a ouvert son atelier de sérigraphie en 2019

L’Insoleuse ouvre ses portes en septembre 2019. Lumineux, équipé d’une grande table noire, avec murs grattés laissés bruts et carrelage au sol, l’atelier offre un beau terrain de jeu pour s’exercer à la technique dérivée du pochoir, sur tout type de support, « du bois, du papier, du plexi, du tissu, du verre, du miroir » précise Amandine. Seule condition, la surface doit être plane.

À l’arrière, la pièce plus sombre est le lieu de la révélation. Le châssis d’insolation, que l’on appelle l’insoleuse, avec ses tubes de néons, les cadres de toile de différents formats, les émulsions et les encres de couleur à l’eau, confèrent au lieu une ambiance particulière, proche du studio de photo argentique.

Simple, tous les outils sont réparables, la technique d’impression a pour avantage un rendu intense des couleurs et une bonne tenue dans la durée. Une fois le cadre préparé, il est possible de le réutiliser pour imprimer des séries, ce qu’avait bien compris l’homme de la Factory, passé de l’œuvre unique à la reproduction à l’identique. Or, c’est une autre approche qui guide Amandine. En pratiquant la sérigraphie de manière artisanale, elle réalise des tirages qui ont tous leurs petites particularités, leurs nuances propres, entre l’artisanat et l’artistique.

Amandine Cochin en train d'actionner son insoleuse pour fabriquer une sérigrahie
Une insoleuse avec ses tubes de néons
Amandine Cochin met en place le calque qui a été insolé

Chaque étape est réalisée à la main : fabrication du typon, positionnement de l'écran pour la phase d'insolation.

Gros plan sur des mains qui badigeonne de couleur verte sur un tamis
Gros plan de mains qui étalent de l'encre avec un racloir
Impression en sérigraphie d'une botte de radis

Après la révélation, l'écran est prêt à accueilllir les encres pour imprimer le motif de la botte de radis sur une feuille de papier.

Transmission d’un savoir-faire

Amandine a choisi d’ouvrir son lieu aux enfants, en proposant des ateliers à l’année et des temps de découverte. « Certains se réinscrivent d’une année sur l’autre et c’est encourageant » reconnaît la sérigraphe qui fonctionne avec une vingtaine d’élèves, de la grande section de maternelle au collège. « Les enfants ont beaucoup d’imagination. Ce sont des créateurs nés. Ils ne se mettent pas de barrière, n’ont pas encore de contraintes artistiques mais ils veulent bien faire. Ils sont déjà formatés à ne pas rater alors je leur explique que même un raté en sérigraphie, c’est chouette » aime à répéter Amandine, qui apprécie plus que tout la spontanéité et l’énergie des enfants. En bonne pédagogue, elle les laisse essayer, se tromper, recommencer et s’émerveiller.

Ces derniers prennent un sérieux plaisir à mélanger les encres, napper les écrans, les racler, les soulever et découvrir une nouvelle image. « La sérigraphie est gratifiante car c’est une activité qui permet d’obtenir un résultat quasi immédiat » précise-t-elle. Et quand les enfants apprennent qu’ils peuvent superposer les encres, créer des dégradés mais aussi utiliser du sable, de la terre, et même du chocolat, les yeux s’ouvrent grand, et les mains sont impatientes de manipuler la table d’impression.

Sur un fil tendu, des sérigraphies attachées avec des pinces à linge

Du fil et quelques pinces à linge, les réalisations participent à la décoration de l'atelier

Stages, anniversaires et interventions en écoles

Ces activités créatives sont également proposées sous forme de stages en période de vacances scolaires permettant de mener plusieurs projets. « Souvent, je fonctionne en lien avec une exposition d’artiste. En février dernier, les enfants ont travaillé à partir de l’univers coloré de Frida Kahlo, une belle source d’inspiration » explique Amandine qui, sans cesse sur le front, anime des anniversaires pour des petits groupes d’enfants. Chacun d’eux repart avec un tee-shirt ou un sac personnalisé à son nom ou représentant sa passion, une paire de rollers pour Romane, une guitare pour Marlow, ou un petit médaillon avec sa trombine.

« Plus drôle encore, ajoute Amandine, on peut même s’amuser à sérigraphier, plongé dans le noir, avec des encres fluorescentes. C’est un moment magique. »

Sur demande, elle intervient dans les écoles du quartier : « Dans ce cas, je me déplace avec mes écrans transportables. Il me faut un peu de place et un point d’eau. » Les élèves de l’école maternelle Rodier ont travaillé sur un projet de dinosaures. À Notre-Dame-de-Lorette, la classe de musique est reparti avec des petits foulards imprimés de notes. « J’explique la technique brièvement avec des mots simples. Soyons honnêtes, les enfants comprennent plus ou moins. Mais ce n’est pas le plus important » reconnaît-elle. Car pour Amandine, si tout cela reste un peu obscur, c’est tant mieux. La dame n’aime pas que l’on en dévoile trop. « C’est bien là le charme de la sérigraphie, une discipline qui nécessite une maîtrise du geste mais qui doit garder une part de mystère. »

Un public d’adultes

L’atelier brasse toutes les classes d’âge et les adultes sont les bienvenus. Amandine s’adapte aux demandes et aux emplois du temps en proposant des découvertes de deux heures, le soir ou le week-end. « Je reçois des petits groupes déjà constitués, à partir de deux ou trois personnes, et chacun aura l’occasion d’imprimer une image déjà réalisée. » Les plus curieux opteront pour une cession de trois heures comprenant la réalisation du motif, un dessin à la main, sur ordinateur ou une photo découpée… Et tous ressentiront le même frisson, quand ils relèveront le capot et découvriront le résultat final.

Des créations sur mesure

En parallèle de ses ateliers, Amandine réalise des travaux de commande, des affiches et tableaux de paysages, des portraits retravaillés à partir de photos, des impressions sur tote bags ou sur vêtements pour leur donner une nouvelle allure.

L’occasion d’un cadeau personnalisé ou la possibilité de faire imprimer son logo, sa marque, sur des supports extrêmement variés. Pour aménager ou décorer une vitrine, là encore, la sérigraphie s’impose comme la technique idéale, du simple lettrage au design spécifique. L’expression n’a pas de limite.

Frédérique Chapuis

Des sérigraphies au mur réalisées par des élèves sur le thème des animaux

Sérigraphies sur le thème des animaux réalisées par les enfants

Exemple de Tote Bags sérigraphiés

La sérigraphie se prête à tout type de support comme le textile.

Des tee-shirts sérigraphiés pour enfants

L’Insoleuse, 42 rue Louise-Émilie de La Tour d’Auvergne Paris 9.
Enfants : ateliers annuels : 480 € l’année, initiation de 2h : 40 €
Ateliers les mardi et jeudi de 16h45 à 17h45, le mercredi : de 14h à 15h et de 16h30 à 17h30.
Adultes : pour les groupes constitués, se rapprocher d’Amandine.