Pour tous ceux qui n’osent pas mettre les mains dans la terre ou faire du tour, technique exigeante, il existe désormais La Papoterie. Un espace hybride, entre café et atelier, pour laisser libre cours à sa créativité.
Il est à peine midi et deux copines ont déjà choisi leur pièce, un mug chacune, qu’elles s’apprêtent à décorer. Sur la petite table, des pinceaux, une palette de couleurs (des émaux liquides) et un cahier de style en cas de panne d’idées. Les deux filles originaires de Marseille, à Paris pour une formation, ont découvert le lieu sur Tik Tok.
Elles profitent de leur pause déjeuner pour s’offrir un moment créatif et récréatif, soit un créneau de deux heures trente réservé sur le site de La Papoterie. « Ce que recherchent nos clients, c’est avant tout de la détente et de la déconnexion, précise Émilie-Julie, la responsable du lieu. C’est également la fierté d’avoir réalisé une pièce unique et de pouvoir repartir avec. »
Quelques tables plus loin, un groupe de trois jeunes gens, dont un garçon, fait assez rare pour être mentionné, vient de s’installer. « C’est vrai qu’on a une clientèle quasi exclusivement féminine, autour de 90 %. Les garçons sont généralement entraînés par leur copine ou leurs amies ».
Les 20/30 ans, une clientèle captive
À l’image des clients présents ce jour là, le concept de La Papoterie séduit en grande majorité les 20-30 ans, la génération Z qui a grandi avec les smartphones et les réseaux sociaux. Très présente sur Tik Tok et Instagram, l’équipe sait capter ce segment de clientèle à l’aide de courtes vidéos engageantes.
Des personnes plus âgées, accompagnées de leurs enfants ou petits-enfants, se retrouvent aussi au café-céramique pour un temps d’échange et de création. Les week-ends sont généralement propices à ces moments en famille à l’occasion d’un anniversaire, d’une fête ou d’un enterrement de vie de jeune fille entre copines.
Deux jeunes clientes toutes entières à leurs créations
Une clientèle professionnelle est également accueillie dans l’espace privatisable, pour des séances de Team Building – en bon français, des temps d’activité organisés pour renforcer la cohésion d’équipe. C’est par exemple une équipe du CRNS venue réaliser une fresque composée d’autant de carreaux que de participants présents, qui sera ensuite installée dans les bureaux du centre de recherche.
En une dizaine de minutes, Émeline présente l'activité aux nouveaux venus
Un cahier d'illustrations, de quoi rassurer les plus inquiets sur leur potentiel créatif
Ici, la clientèle paye son activité en fonction du choix de la céramique ; la pièce, les peintures, la cuisson sont compris dans le prix affiché. Comptez dix euros pour une simple coupelle, trente euros pour un mug et jusqu’à une soixantaine d’euros pour une théière. Les plus rapides pourront décorer plusieurs pièces dans le créneau imparti, les plus lents, repartiront avec la leur, pour la terminer soit à la maison à l’aide d’un kit vendu sur place, soit lors d’une nouvelle séance.
Pinterest, tutos et conseils
Une fois le créneau réservé – « En semaine, le plus demandé est celui de 19h, après le boulot », souffle la responsable – , reste à se lancer. Si certains y vont bille en tête, d’autres préfèrent assurer par petites touches. L’équipe de La Papoterie saura rassurer les plus inquiets et conseiller au cas par cas sur les techniques à privilégier et les associations de couleurs, pour une finalité toute simple : que chacun puisse se faire plaisir quel que soit son niveau.
Des mini-tutos de trente secondes à deux minutes disponibles en ligne permettent en amont d’appréhender les différents procédés (mouchetage, utilisation du scotch pour des lignes bien droites, ou d’un papier transfert pour ceux qui ne savent pas dessiner, production d’un effet de dégradé avec une éponge…). Certains les visionnent avant de pousser la porte de La Papoterie, d’autres auront pris soin de créer un « moodboard » sur Pinterest, sorte de cahier de tendance. Car dans ce domaine, comme dans l’illustration, il y a aussi des modes. Les citrons, les tigres ou les formes géométriques sont toujours autant plébiscités. Le bol breton, à personnaliser et à offrir, reste une valeur sûre.
Avant de s’aventurer au pinceau, l’utilisation du crayon est fortement recommandée pour esquisser les motifs, d’autant que les traces disparaîtront à la cuisson. Et si le pinceau dérape, un petit coup d’éponge humide efface la tache indésirable.
Une idée importée du Québec
La Papoterie, c’est d’abord un projet porté par Laura. Partie faire ses études au Canada, c’est à Montréal qu’elle découvre le principe du café-céramique. Conquise par l’idée, elle la ramène en 2014 dans ses bagages, la développe et la modernise au goût parisien. Pendant deux ans, la jeune femme qui s’est formée à la céramique puis a investi dans un four, propose son activité sous forme d’ateliers itinérants dans des cafés et des tiers-lieux, au Pavillon des Canaux, à La Recyclerie, au Hasard Ludique.
Rejointe par Coline, une ancienne camarade rencontrée en master d’école de commerce, elle ouvre en mars 2020 un premier local dans le 11e, secteur Oberkampf. Octobre 2022 voit l’inauguration de leur deuxième Papoterie, cette fois dans le 9e, rue Notre-Dame-de-Lorette, « Un endroit assez central, desservi pas le métro et proche de la gare Saint-Lazare » précise Émilie-Julie. Laura, la boss, ajoute « Pour les deux locaux, nous avons identifié des quartiers précis. Rien n’est laissé au hasard, ni l’emplacement, ni la surface des locaux recherchés. »
Le lieu a fait l’objet de gros travaux. Côté ameublement et décoration, la jeune équipe, épaulée par la décoratrice d’intérieur Élise Cavard, a misé sur des couleurs très pop au mur et du bois blond pour les tables. Le résultat chaleureux et confortable aiguise les sens tout en invitant au lâcher-prise.
Sur les étagères, des dizaines de modèles, du coquelet, en passant par l’assiette blanche (« le biscuit »), le pichet ou le vase, attendent des mains plus ou moins habiles pour une nouvelle étape : la pose d’émaux, « sans plomb », précise Laura, des pigments céramiques adaptés pour une utilisation alimentaire. Si quelques pièces, signalées par une étiquette, sont fabriquées par une manufacture de poterie française, la majorité du stock provient d’Europe et d’Asie.
Peindre et se restaurer
La bonne idée, c’est la proposition, en supplément de l’activité manuelle, d’une petite restauration. Dans sa version lunch et apéro, l’offre est plutôt tentante avec burrata, houmous, cakes maison. Pour le goûter, les becs sucrés s’orienteront vers les fondants au chocolat et gâteau du jour. L’ensemble est réalisé sur place à l’exception des cookies choco fournis par la boulangerie Au Pain Retrouvé, rue des Martyrs. Les boissons chaudes et froides, certaines alcoolisées (bière artisanale, vin, cidre…) complètent agréablement la carte.
Côté addition, on retrouve sensiblement les prix du quartier (4,50 € la part de fondant, 8,50 € la bruschetta tomate mozza avec salade, 7 € le cocktail Saint-Germain).
Un univers coloré associé à un bar pour un service de boissons et petite restauration
Les modèles de céramique blanche (le biscuit) sont exposés en vue d'être choisis
Des dizaines de coloris au choix accessibles en libre-service
Les fournitures sont disposées sur chaque table
Pour une petite faim, l'alliage café/cookie sera de bon aloi
Une cuisson à 1000 degrés
Une fois les deux heures trente d’activité écoulées, au passage en caisse, les clients se voient remettre un ticket avec une date de mise à disposition de la céramique. Prévoir une moyenne de 15 à 20 jours pour récupérer le chef-d’œuvre. Un délai incompressible vu le nombre de pièces entreposées qui attendent leur passage en cuisson.
Au sous-sol, les deux fours fonctionnent nuit et jour. À l’intérieur de chacun, une cinquantaine de pièces prennent place pour des temps de cuisson de 24 h afin de fixer l’émail et imperméabiliser la terre. Une fois la pièce émaillée à haute température, elle est résistante et son aspect initial s’est métamorphosé. Les couleurs mates et pâles apparaissent plus vives et sont accompagnées d’une belle brillance.
Interrogée sur l’impact de l’envolée des prix de l’énergie sur son activité, Laura acquiesce. Elle a vu ses factures augmenter et n’a reçu aucune aide de l’Etat pour son entreprise. Pour autant, vu la clientèle toujours plus nombreuse qui plébiscite l’endroit « Des personnes du quartier mais pas que. Elles viennent de tout Paris et beaucoup d’île-de-France » souligne Émilie-Julie – on n’est pas vraiment inquiet pour le futur de La Papoterie.
Frédérique Chapuis
Au sous-sol, les céramiques peintes avant le passage au four
Le recueil des pièces après cuisson nécessite des gants résistant à de très hautes températures
Les pièces entreposées attendent leurs futurs propriétaires
Différentes céramiques décorées par les Papoteurs et Papoteuses
La Papoterie, 17, rue Notre-Dame-de-Lorette, Paris 9.
Horaires : du mardi au vendredi : 11h30 – 22h
Samedi et dimanche : 10h – 20h30