Un univers peuplé d'étranges personnages recouvrent la façade de l'ancien atelier d'Yvon Taillandier, rue de l'Agent-Bailly dans le 9e. Une fresque murale peinte par l'artiste en 1970 restaurée en 2008 et qui interpelle encore les passants.
Les plus anciens du quartier ont conservé des souvenirs de l’artiste Yvon Taillandier (1926 – 2018) qui y avait installé son atelier en 1970. C’est à cette date que ce critique et historien d’art reconnu, auteur de nombreux ouvrages et articles, ami de Giacometti, Soulages, Braque, Calder et Miró, décide de se consacrer entièrement à la peinture.
Sur la devanture de cet ancien atelier de menuisier, alors recouverte de tags et graffitis, il réalise sur plus de 15 mètres de long une peinture murale qu’il intitule : « L’Ambassade du Taillandier-land ». Celui qui énonçait : « Mes tableaux se veulent des chants joyeux, voire des hymnes à la joie », a inventé un pays, le « Taillandier land », un monde labyrinthique peuplé d’étranges personnages aux organes démultipliés, connectés par des tubes, s’activant sur des engins défiant toute logique.
Une vision de la société, à la fois critique et porteuse d’espoir. Il y colle même un lexique imaginaire, d’Acéphalie à Zoprofin.
Un univers figuratif et narratif
Sur les murs, les volets en bois, les soubassements, on y voit des lignes tout en courbes, des couleurs simples et franches, du blanc, du violet, des touches de rouge pour les mots, entre image, langage et récit.
C’est tout d’abord une grande forme et puis en s’approchant, l’œil s’arrête sur un détail, un personnage à deux têtes ou à quatre jambes, là, embarqué dans un avion, ici, petits êtres dans le ventre d’un plus grand. Des personnages tous inter-dépendants, que l’artiste qualifiait de progressifs : » Très simples à certains endroits, ils se compliquent et s’élargissent jusqu’à occuper et animer toute la surface de la toile, n’y laissant que des vides très réduits » écrivait-il.

Au 8 de la rue de l'Agent-Bailly, sur la façade de son atelier, l'artiste Yvon Taillandier peint une fresque murale en 1970, date de son entrée dans les lieux, peuplée d'étranges personnages.




Une restauration menée en 2008
Exposée plus de 40 ans aux intempéries, l’œuvre murale alors dégradée fit l’objet d’une restauration à l’initiative de la galerie L’Œil du Huit, alors installée rue Milton. Une entreprise minutieuse menée en 2018 par une équipe de quatre restaurateurs, sur financement participatif, qui redonnait à la fresque toute sa fraîcheur et sa place, un début de poésie.
La restauratrice-conservatrice Françoise Joseph parle de fragments de paysage. Elle se souvient des voisins qui venaient s’enquérir des avancées, de la réaction des mômes sortant de l’école, des interactions quotidiennes donnant à son travail une saveur particulière.
Attaché au quartier, Taillandier a fait don de plusieurs peintures sur bois à l’école primaire voisine de la Tour-d’Auvergne.

Yvon Taillandier pose devant son atelier.
Un artiste inclassable
Yvon Taillandier a peint sur tous type de support : toiles, cartons, papiers, bois, vêtements, murs, meubles, poteries, livres, automobiles. On se réfère à lui comme du père de la figuration libre, lui préférait l’énoncé de figuration libératrice, dont Combas est l’héritier.
Son œuvre a fait et continue de faire l’objet de nombreuses expositions de par le monde. Une rétrospective à la mairie du 9ème eut lieu en 2011.
Sa veuve Françoise a fait don du fond à la ville d’Avignon, où le couple s’était retiré. Des dizaines de toiles, plus de 1000 dessins, des meubles et objets peints en nombre, des œuvres de ses amis peintres Miró, Man Ray, Giacometti, entre autres, qui prendront vie au sein du nouvel espace muséal dans l’hôtel de Beaumont.