Connaissez-vous l’effet Matilda ? ce phénomène qui veut que les femmes de science ne bénéficient que très peu des retombées de leurs découvertes, et ce au profit de leurs homologues masculins. Au rang de ces dernières, Marthe Gautier, la découvreuse de la Trisomie 21 en 1958. Cette talentueuse chercheuse et médecin a longtemps résidé dans le 9e au 6 rue de Douai.
Né en 1925 dans une famille d’agriculteurs de sept enfants, rien ne prédestinait la jeune Marthe à devenir médecin. Elle réussit pourtant l’internat de médecine aux Hôpitaux de Paris et se spécialise en chirurgie pédiatrique. Son directeur de thèse, Robert Debré lui propose une bourse pour étudier à Harvard où elle s’initie à la culture cellulaire, pratique alors inconnue en France.
À son retour en France, intégré au service du professeur Turpin à l’hôpital Trousseau, la jeune chercheuse, grâce à son expérience acquise aux États-Unis, va pouvoir monter un laboratoire artisanal et mettre en culture in vitro des cellules de jeunes patients atteint de mongolisme. C’est ainsi qu’elle va découvrir la présence d’un chromosome surnuméraire (47 au lieu de 46), l’anomalie génétique à l’origine du syndrome de Down.
Marthe Gautier a vécu de longues années rue de Douai dans le 9e arrondissement de Paris.
Service du professeur Turpin en 1957. Au premier rang, première à gauche, Marthe Gautier.
Marthe Gautier dans son laboratoire en 1970. Collection Marthe Gautier.
Le professeur Debré et Marthe Gautier, en 1971.
Une découverte confisquée
Ces chromosomes, elle doit les faire photographier, et dépourvu de matériel, confie ses lames de laboratoire à Jérôme Lejeune, élève de Turpin et chercheur au CNRS.
Ce dernier ne va jamais lui rendre et lors de la publication officielle de la découverte en 1959, le nom de Marthe Gautier, mal orthographié, apparaîtra en second, contrairement à l’usage.
Jérôme Lejeune porte ainsi l’entière paternité de la découverte. À lui, les promotions, les honneurs et le prix Kennedy.
Avec le sentiment d’avoir été trahie, la co-découvreuse quitte son poste et consacrera le reste de sa vie à la cardiopédiatrie. Elle donnera sa version dans une longue lettre parue dans une revue de médecine en 2009. Une texte coup de poing qui provoqua à l’époque une polémique avec la Fondation Lejeune.
En 2014, le Comité éthique de l’Inserm, saisi par un collectif de chercheurs, reconnait enfin l’apport indispensable de Marthe Gautier dans la découverte de la trisomie 21.
La retraite venue, désormais officière de la Légion d’honneur, Marthe Gautier se tourne alors vers la peinture et la botanique. Elle décède à Meaux, en avril 2022, à l’âge de 96 ans.
👉 Pour en savoir plus :
🎙️ Son parcours a fait l’objet de nombreuses émissions radio.
Il est évoqué dans le roman « Ce qui nous revient », chez Actes Sud, de Corinne Royer.
🎥 Un documentaire de Science et Avenir « Marthe Gautier et la Trisomie 21 »