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Emile Zola, dont on fête cette année les 120 ans de la disparition, fait l'objet d'une exposition à la mairie du 9e. L'occasion de redécouvrir le rôle du grand homme dans l'affaire Dreyfus, à travers les unes des journaux de l'époque prêtées par l'écrivain et journaliste Alberto Toscano.

Auto-portrait d'Émile Zola. L'écrivain s'était passionné pour
la photographie

Le capitaine Dreyfus, déshonoré et rétrogradé en 1895, fait la une du journal anti-dreyfusard "Le Petit Journal Illustré". Coll. Alberto Toscano.

Compte-rendu d'audience, lors du procès de Zola, "Le Petit Parisien Illustré". Coll. Alberto Toscano.

Quand en novembre 1897, Émile Zola reçoit le vice-président du Sénat Auguste Scheurer-Kestner, il ne sait pas encore que cette entrevue aura des conséquences majeures dans le cours de son existence. Ce dernier, convaincu de l’innocence du capitaine Dreyfus, lui soumet l’ensemble des pièces du dossier. L’écrivain mesure le danger encouru à intervenir, car c’est tout l’appareil d’État qui est impliqué dans cette affaire de trahison.

Alors que les campagnes antisémites se déchaînent dans la presse nationaliste, Zola décide d’agir et initie une série de trois articles au Figaro, terminant le dernier par cette phrase restée célèbre : « La vérité est en marche et rien ne l’arrêtera ».

L'acquittement d'Esterhazy

Si toutes les preuves désignent le commandant Esterhazy comme le coupable, ce dernier, jugé en janvier 1898, est acquitté dès le lendemain par un conseil de guerre. Une décision qui ne passe pas dans le camp dreyfusard, moment de bascule pour Zola qui décide d’employer les grands moyens. Le résumé de l’affaire déjà rédigé, il lui faut deux jours pour mettre le point final à son plaidoyer.

Le Figaro l’ayant lâché afin de conserver son lectorat le plus réactionnaire, Zola se tourne vers L’Aurore, journal socialiste.

L'adresse au président Félix Faure titrée "J'accuse !" parue dans L'Aurore. Coll. Alberto Toscano.

"J’accuse" sur 6 colonnes

Sa lettre ouverte au président de la République Félix Faure sera titrée de façon percutante « J’accuse…! », une idée soufflée par Clemenceau, éditorialiste au journal. Le texte dans lequel Zola s’implique personnellement se lit comme une affiche. Il en appelle à la raison et pointe les défaillances d’une enquête mal conduite. L’écrivain fait le récit de l’affaire d’une manière méthodique à un public qui n’en a qu’une vision très parcellaire. Placardé sur les murs de Paris, le texte qui se termine par l’énoncé des responsables aura un retentissement considérable en France et à l’étranger.

L’exil chez nos voisins d’outre-Manche

Le ministère de la Guerre porte immédiatement plainte contre l’écrivain pour diffamation. Son procès s’ouvre en février 1898 dans une ambiance électrique. Si les contradictions sont apparues au grand jour, Zola est pourtant condamné à la peine maximale, un an de prison et 3000 francs d’amende. Sur les conseils de ses avocats, il prend la fuite par le train de Calais, direction Londres, en juillet. Un exil de onze mois où, malheureux comme les pierres, il se languit de Paris, trouve la nourriture anglaise infecte et la météo abominable.

Son texte coup de poing va consacrer la presse comme quatrième pouvoir et participer à la réouverture du dossier judiciaire, alors que Dreyfus croupit au bagne en Guyane depuis trois ans. Le capitaine reconnaissant, dans une lettre poignante à l’écrivain, soulignera son héroïsme dans sa quête de justice et son humanité.

Retour en France

Émile Zola à son bureau de travail, au 21 bis rue de Bruxelles.

Sans attendre la fin du procès en révision de Dreyfus, qui aboutira à un second procès puis à la grâce pour raison de santé, Zola reviendra à Paris ; il concentrera toutes les attaques des anti-dreyfusards, apparaissant comme traître à la patrie et à l’armée, une partie de la presse – dont Le Petit Journal – se faisant même une spécialité d’articles diffamants et caricaturaux à son égard.

Jamais Zola n’a regretté son engagement, quel qu’en ait été le prix. Il l’a écrit dans ses notes : « Ma lettre ouverte “« J’accuse… ! »” est sortie comme un cri. Tout a été calculé par moi, je m’étais fait donner le texte de la loi, je savais ce que je risquais. »

Zola meurt dans son appartement du 21 bis rue de Bruxelles, dans lequel il s’est installé avec sa femme Alexandrine en 1889 : dans la nuit du 29 septembre 1902, il est intoxiqué par un feu de cheminée. La thèse de l’assassinat ou de “la malveillance ayant mal tournée“ n’a jamais été totalement écartée…

Frédérique Chapuis

 

🎧 En replay sur France Culture : La Compagnie des auteurs retrace le parcours de cet écrivain majeur du XIXe siècle en quatre épisodes.

👉 Le 1 hebdo (hors-série) consacré à Zola est disponible en kiosque et en librairie.

Mairie : 6 rue Drouot, Paris 9.
Exposition : du 3 octobre au 3 novembre