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Ipoustéguy fut un sculpteur français prolifique dont les œuvres monumentales sont exposées dans le monde entier. Moins connu que César ou Dodeigne, ce natif de la Meuse, poursuivit un chemin figuratif alors que les temps étaient à l’abstraction. On redécouvre aujourd’hui un aspect plus intime de son travail dans le cadre de l’exposition « Ipoustéguy côté jardin » à l’Espace Gallix.

Ipoustéguy dans son jardin avec en fond “ L’homme passant la porte“ installé à Bar-le-Duc devant l’hôtel du Département. ©Despatin &Gobeli

Un jour de février 2022, Marie-Pierre Robert, la fille du sculpteur Ipoustéguy (1920 – 2006) de son vrai nom Jean Robert, se plonge dans le fond d’atelier de son père. D’un carton, elle fait surgir un magnifique herbier réalisé dans les années 80 à partir de végétaux, flore banale cueillie dans le jardin de l’artiste à Choisy-Le-Roi. De ce trésor enfoui germe l’idée d’une exposition. « Ipoustéguy n’avait pas été exposé depuis 30 ans. Il est connu mondialement pour ses sculptures monumentales. Il fallait dévoiler une autre facette de son travail, plus intimiste » explique Marie-Pierre qui ajoute « Mon père n’était heureux que dans son atelier et dès qu’il le pouvait travaillait torse nu dans son jardin, à l’ombre des grands arbres. »

La redécouverte des planches d'herbier d'Ipoustéguy sera le déclencheur de cette exposition autour de la nature. Des bronzes petit format représentant des fruits, un aspect méconnu de l'artiste habitué aux sculptures monumentales.

Une nature bienveillante

Quelques mois après l’heureuse découverte, les dix huit planches conservées dans un état impeccable ont investi les murs de l’espace Gallix qui hébergeait jadis d’anciennes caves à vin. Les éléments organiques, feuilles, tiges et racines comme imprimées sur le papier se mélangent à l’aquarelle, l’encre ou le fusain. « Cet herbier ressemble à un travail de recherche sur la matière, la couleur et les formes » estime sa fille qui souligne le caractère touche-à-tout d’Ipoustéguy « bourreau de travail » qui explorait toutes les techniques de création (bronze, marbre, céramique, dessin, écriture).
Car si le corps et la figure humaine confrontés au monde contemporain reste la grande affaire du sculpteur, ce dernier a réalisé de très belles aquarelles, dessins au fusain et gravures inspirés par la nature : natures mortes, fleurs-fruits, un aspect de l’œuvre méconnu que l’on peut admirer aujourd’hui.

Parmi les bronzes exposés, une poire-cœur, référence discrète à une grave opération subite par l’artiste. Une sculpture qui introduit l’ombre portée du fruit-organe. L’ombre dont Ipoustéguy fait l’expérience lors de son travail sur Louise Labé, une sculpture commandée par la ville de Lyon, en hommage à la Belle Cordière, visible place Louis Pradel. « À partir de ce moment, l’ombre deviendra un élément indissociable de l’objet sculpté » souligne Marie-Pierre Robert.

Un artiste qui se fiche de plaire

Reconnu mondialement pour ses sculptures installées à Washington, à Melbourne, à Berlin comme à Paris, l’œuvre d’Ipoustéguy ne laissera jamais indifférent. « On aime ou on déteste d’où de nombreux problèmes pour se faire payer. Mon père ira même jusqu’à la grève de la faim » insiste sa fille. Ainsi son « Rimbaud, l’homme aux semelles devant », installé aujourd’hui au jardin des sculptures en bord de Seine, une commande du président Mitterrand, sera mal reçue par la presse et les critiques de l’époque, tout comme son « Val de Grâce » qui n’aura pas l’heur de plaire aux gradés de l’hôpital Percy de Clamart.
Commandée par les autorités ecclésiastiques américaines pour célébrer leur premier saint, « La mort de l’évêque Neumann » sera refusée. La sculpture réaliste orne désormais l’église de Dun-sur-Meuse, village natal de l’artiste. Les années passant, le public a su s’approprier les œuvres qui font désormais partie du paysage urbain.
L’exposition révèle ici un Ipoustéguy intime et secret qui aura cinquante-cinq ans durant, créé en toute liberté, traçant son sillon, loin des modes et des mouvements, dans son jardin d’Éden.

Un projet de livre d’art sur l’herbier d’Ipoustéguy est en préparation. Un financement participatif nécessaire à son élaboration sera bientôt en ligne.
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Frédérique Chapuis

Espace Gallix
5 rue Pierre Sémard, Paris 9
Exposition jusqu’au 2 octobre
Horaires : en semaine, de 16h à 19h
Samedi : de 11h à 20h, Dimanche : 11h à 18h