Sophie Toporkoff, ancienne directrice artistique, reconvertie dans l’art du vitrail, renouvelle la pratique avec des créations contemporaines qui intègrent désormais les intérieurs des particuliers.
Sophie fait partie de cette nouvelle génération d’artisans d’art qui s’est tournée vers le vitrail pour y déployer sa créativité. Elle en apprécie toutes les potentialités, s’autorisant des ré-interprétations pop de motifs médiévaux, poursuivant une vision contemporaine et éclectique du vitrail, joyeuse et libre.
Savoir-faire ancestral, d’abord religieux car né dans les églises et cathédrales, le vitrail, devenu décoratif, refait surface lors de la période Art nouveau qui raffolait des arabesques et motifs floraux. ll fait l’objet depuis une dizaine d’années d’un regain d’intérêt de la part des artistes, galeristes, décorateurs et clients fortunés.
Sophie s’inscrit dans ce courant. Son atelier crée ses propres dessins et collabore avec de nombreux talents artistiques d’horizons souvent étrangers au vitrail.
Désormais, c’est elle qui met en musique une idée, proposant sa vision en fonction d’un thème, d’une envie, d’une gamme de coloris. Des créations jouant avec les couleurs, les transparences et les textures du verre, qui viendront embellir l’intérieur d’un particulier, la vitrine d’un commerçant ou le salon d’un hôtel. Permettant d’occulter tout en conservant la lumière, le vitrail décoratif se fait paravent, jouant avec les vues, apporte un surplus de beauté à une simple fenêtre de cuisine, ou magnifie une verrière zénithale.
Celle qui a œuvré à la direction artistique de la communication chez Maison Margiela puis Hermès, décide de voler de ses propres ailes et passe son CPA de vitrailliste en juin 2024 : « Plus le temps passait, plus je manageais des équipes et je souhaitais retrouver la création pure, fabriquer moi-même. Tout ce que j’avais appris aux arts appliqués à l’école Penninghen. »

Sophie Toporkoff dans son studio/atelier de vitrailliste.

Assemblage du gabarit. Un vitrail conçu avec George Greaves pour l’agence d’architecture Uchronia, sur le thème du surréalisme.

Une représentation de la lune peinte en grisaille sur un verre transparent.

La phase de sertissage d'un vitrail peint en grisaille sur des verres colorés.
Une exécution longue et complexe
Fabriquer un vitrail passe d’abord par l’étape du dessin. « Le vitrail c’est du dessin puissance 10. Une forme décuplée où l’on peut cumuler les interprétations » annonce l’ancienne directrice artistique qui a grandit entourée d’icônes russes, la collection de ses grands-parents. Elle en appréciait le côté plat et extrêmement dessiné. ll faut peut-être chercher là sa passion pour le dessin.
Une fois le graphisme arrêté, Sophie le reproduit sur un calque qui va servir à la réalisation d’un gabarit en carton.
Vient la phase de découpe du verre, au demi-millimètre près, à l’aide d’un ciseau à trois lames. Une étape qui peut s’avérer particulièrement longue. Ainsi Sophie nous présente un panneau constitué de 182 pièces qui lui a demandé plusieurs heures de découpe.
La vitrailliste devra faire avec les contraintes liées à la structure lacunaire du matériau, chimiquement ni solide, ni liquide. D’où l’impossibilité de réaliser certaines formes d’un seul bloc que le verre ne supportera pas.
Une fois la découpe réalisée, les pièces sont assemblées sur un fond en bois pour former le motif général. On parle alors de mise en plomb à l’aide de gestes inchangés depuis le Moyen-Âge. S’emparant de baguettes de plomb coupées à la bonne dimension, Sophie assure le sertissage, chaque pièce s’emboîtant à l’autre tel un puzzle, tandis qu’au fur et à mesure de l’avancée, des cales de bois servent à maintenir provisoirement le montage

Lors du salon Maison et Objets 2025, ce vitrail était présenté au sein de l'installation de l’agence d’architecture Uchronia. Dessin de Sophy Hollington.
Ce dernier terminé, un point d’étain est coulé à chaque intersection afin d’assurer la stabilité du réseau de plomb. À l’aide de mastique, chaque petit trou est finement comblé pour assurer l’étanchéité du vitrail qui une fois rigidifié est prêt à durer une bonne centaine d’années.
Autant de gestes techniques impossibles à mécaniser et qui expliquent des tarifs élevés. Comptez suivant la complexité du panneau envisagé, entre 1 500 et 5 000 euros du mètre carré.

À la recherche d'une gamme de couleur pour un motif cistercien.
Des possibilités infinies
« Verres polis, martelés ou lisses, l’éventail des possibles est vertigineux et prodigieux » s’enthousiasme la vitrailliste qui ne se lasse pas d’associer, de jouer avec les compositions de couleur pour mieux attraper la lumière. La palette de coloris à sa disposition, plus d’une centaine de références, permet de multiplier les effets et les ambiances recherchées.
La professionnelle se fournit chez Saint-Just, filiale de Saint-Gobain qui dispose d’une antenne à Gennevilliers. On y trouve des verres mécaniques de fabrication française, des verres soufflés à la bouche, bulleux ou craquelés, beaucoup plus chers, utilisés notamment lors de restauration de pièces anciennes.
Dans ses rêves les plus fous, point de vitraux d’église ni de coupole, Sophie se verrait bien travailler sur un projet d’envergure au sein d’un bâtiment qui accueille du public. À bon entendeur !

Des jeux de transparence et de couleur à l'infini, sources de créativité renouvelée.

Ce vitrail puise son inspiration dans l’univers Art déco. Conçu avec la dessinatrice Anne-Margot Ramstein, il marie des verres texturés, imprimés et colorés.

Avant la mise en plomb, chaque pièce de verre est soigneusement numérotée et porte la référence couleur qui lui est associée.
Bonheur de vivre et de travailler dans le 9e
Installée rue de Trévise depuis près d’une quinzaine d’années, ses enfants sont allés à l’école Buffault puis au Lycée Lamartine, la vitrailliste apprécie le patrimoine si particulier du quartier avec des cages d’escalier décorées de vitraux aux motifs floraux, citant « La vague Hokusai » place Gabriel-Kaspereit ou encore les coupoles des grands magasins.
En arrivant rue de La Rochefoucauld, Sophie a vite pris ses marques dans le quartier appréciant la proximité d’artisanes d’art telles que Jeanne Baillergeau l’encadreuse du Passe-Partout, Christelle Caillot la luthière ou encore Marianne d’Ursin, aux rênes de l’atelier de réparation de saxophones Sax Machine. Une communauté féminine partageant le goût des belles matières et du beau geste.
Frédérique Chapuis

Travail de restauration : reproduction à l’identique de pièces cassées provenant d’un immeuble haussmannien.

Atelier Toporkoff, 35 rue Catherine de La Rochefoucauld, Paris 9.
Uniquement sur rendez-vous.