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Installée dans son atelier-boutique, Jeanne Baillergeau encadre photos, tableaux ou tout sujet que la clientèle souhaite mettre en valeur. Artistes et particuliers viennent la trouver pour un travail réalisé sur-mesure avec des matériaux de qualité.

Jeanne Baillergeau dans son atelier d'encadrement

Jeanne Baillergeau dans son atelier d'encadrement, rue La Bruyère

Posée dans l’atelier, une affiche encadrée attire le regard, par ses dimensions imposantes et ses coloris qui tranchent avec cet après-midi de janvier.
À bien y regarder, il s’agit d’une voile de bateau avec ses œillets et bouts encore présents. « Un souvenir de voyage d’une cliente qui l’a ramenée d’un pays asiatique, peut-être la Thaïlande » nous apprend Jeanne Baillergeau, l’artisan qui a transpiré plusieurs heures dessus.

Pour ce très grand format de 2,30 m sur 1,60 m, peu aimé des professionnels qui redoutent les manipulations et le travail physique que cela engendre, l’encadreuse a posé un système de rehausse (voir explication plus bas) et installé une plaque de plexiglass « Le verre aurait été trop lourd et trop fragile » précise-t-elle.

Remisé, l’objet attend le passage de sa propriétaire. « Quand le client découvre le sujet encadré, c’est un moment que j’apprécie particulièrement » reconnaît Jeanne.
En réalité, la relation s’est nouée bien en amont, dès que le client a poussé la porte de l’atelier avec sous le bras une peinture héritée de grands-parents, une photo d’un être aimé ou un tirage chèrement acquis pour être valoriser.

Le déclic à l’étranger

C’est à Lisbonne où Jeanne a vécu quelques années que le déclic va se produire et la reconversion pouvoir s’envisager. La jeune femme qui a suivi un cursus d’économie « Cela aurai pu être une autre matière, je me suis laissée porter » a commencé sa vie professionnelle sans vraiment s’écouter.  Appréciant depuis l’enfance les arts plastiques, elle a pourtant choisi une autre voie, plus classique, après le bac.
Sauf que dans la capitale portugaise, cette dernière va intégrer les Beaux-Arts, suivre des cours d’histoire de l’art, de peinture et de dessin, tout en travaillant avec une créatrice de bijoux. Une expérience qui va profondément la chambouler. « Je sciais et je soudais le métal. Je faisais beaucoup de bricolage et j’adorais ça » lance Jeanne, convaincue alors qu’elle trouvera son accomplissement par le travail manuel.
Pour autant, la pragmatique ne souhaite pas être la « deux-cent cinquante millième créatrice de bijoux. Ce n’était pas pas forcément une bonne idée. » Hésitante, c’est son mari qui lui en souffle une. Son grand-père à lui peignait et faisait lui-même ses cadres. Pourquoi ne pas mener une réflexion sur l’encadrement, un métier d’artisanat qui côtoie l’art au quotidien ?

Jeanne Baillergeau, encadreuse en train de travailler une caisse américaine
Jeanne Baillergeau, dans son atelier d'encadrement
Jeanne Baillergeau , encadreuse, assure le ponçage des baguettes de bois

Jeanne enchaîne une série de gestes pour un encadrement de qualité et unique

Un diplôme ou se lancer ?

Jeanne Baillergeau, encadreuse, travaille sur machine à couper le bois

Jeanne sur sa machine à découper

Sur Paris, Jeanne toque aux portes de plusieurs encadreurs, une bonne dizaine, se pose dans un coin de l’atelier et observe le déroulement de leur journée, les interroge, prend les conseils. Elle fait son enquête métier mais la question du diplôme n’est pas encore réglée.
Car si la jeune femme est bien décidée à passer son CAP pour acquérir une certaine légitimité, une rentrée en septembre loupée pour cause d’employeur qui ne la laissera pas partir au bon moment, et certains professionnels qui l’en dissuadent, elle passera donc outre. « Je ne pouvais pas me permettre d’attendre un an supplémentaire pour intégrer la formation adultes. »
Avec pour seul bagage sa motivation, Jeanne finit par dénicher un encadreur qu’elle convainc. « J’ai commencé à couper mes premiers cartons et à apprendre le métier. » Des découpes qu’elle réalise avec entrain. « Rien ne me rebutait. Même pas les tâches rébarbatives, peu créatives. Cela me détendait » se rappelle-t-elle.
Une visite à la galerie Demi-Teinte où officie Jean-Pierre Haye, encadreur rue Mayran, la rassure. Ce dernier la tranquillise sur le CAP, selon lui, pas forcément le passage obligé pour bien travailler. Les élèves n’y apprendraient pas à répondre aux nouvelles attentes de la clientèle.
Enfin, l’encadreur lui donne un conseil : celui de se mettre à son compte. « On ne fait pas ce métier pour travailler chez les autres. L’intérêt c’est d’avoir son atelier. » L’idée fera son chemin chez l’apprentie.

Les hasards de la vie

À la recherche de conseils pour s’établir à son compte, la jeune femme contacte l’atelier Au Passe-Partout, rue La Bruyère, dans lequel officie Angéla, ancienne monteuse dans le cinéma. « En discutant, celle-ci m’informe qu’elle va vendre dans un an pour partir dans le Sud. »
Une aubaine pour Jeanne qui décide de racheter le fond de commerce. Mais avant le grand saut, elle travaille en binôme pendant dix mois avec l’encadreuse. « J’ai ainsi pu me faire de l’expérience et surtout m’approprier l’atelier, les machines, connaître les  fournisseurs… » Une expérience précieuse qui va lui permettre d’ouvrir seule un matin de janvier 2022 sans trop d’appréhension.

Se souvenant des paroles de Jean-Pierre Haye « « L’encadrement c’est comme visiter Paris, quatre jours suffisent et pourtant toute une vie n’y suffit pas », Jeanne va se retrouver plongée dans le grand bain, confrontée à une multitude de tâches qu’elle n’a jamais réalisées. « Il faut trouver des solutions. Dans ce métier, on  ne s’ennuie jamais » glisse-t-elle, encore épatée par son parcours.

Protéger et mettre en valeur

Cet après-midi, Jeanne travaille sur un petit modèle, un tableau encadré dans une caisse américaine, avec un bois de chêne. Un travail sur-mesure, exécuté avec des matières nobles et chères, qui se monnaye une centaine d’euros.
Comme tout encadreur, le savoir-faire de Jeanne consiste d’abord à protéger l’œuvre par des techniques et des matériaux éprouvés. Afin d’assurer une bonne isolation, le cadre est fermé de manière hermétique. Le verre posé : traditionnel, anti-UV, anti-reflet selon le budget disponible, préserve de la poussière, de l’humidité et de la lumière « Tout l’objectif est de conserver l’intégrité de l’œuvre dans le temps. »

Second objectif de l’encadrement, valoriser l’œuvre en fonction de l’époque, du style, de la technique utilisée, huile, gouache, acrylique, photographie…
Au passe-Partout, le choix est large, du classique au contemporain, de la baguette en aluminium à celle en bois brut, teintée, dorée, argentée, disponible dans de multiples essences « Le chêne et l’érable sont des bois nobles majoritairement choisis par la clientèle mais je peux proposer du hêtre ou du frêne. »
Jeanne oriente également vers des alternatives comme le ayous ou le ramin, des bois exotiques, qui une fois teintés « peuvent faire l’affaire » et n’hésite pas, en dernier recours, à conseiller les encadrements disponibles en grande surface « qui ont leur utilité » lorsque le budget est trop contraint.

Enfin, pour un encadrement de luxe, elle fonctionne avec l’entreprise Delf, spécialisée dans les cadres à coins bouchés. Patinés à la main après assemblages, les angles sont exempts de traces de coupes et peuvent recevoir des motifs sculptés.

Présentation de baguettes bois pour encadrer les tableaux

Du plus simple au plus sophistiquée, l'offre d'encadrement permet de s'adapter à tous les styles

Large choix de passe-partout proposés dans différents coloris

Les passes-partout sont disponibles en différents coloris.

Large éventail de baguettes bois teintes pour l'encadrement

Les baguettes teintées peuvent réchauffer un sujet tout en s'accordant à la décoration intérieure

Un métier d’art au service des œuvres

Jeanne Baillergeau sur sa machine qui sert à assembler les coins du cadre

La machine permet de réaliser des assemblages extrêmement précis pour fixer puis envoyer les agrafes.

« Le cadre ne doit pas étouffer le sujet. Il doit l’accompagner tout en restant à sa place » insiste l’encadreuse qui n’a pas oublié ses cours d’histoire de l’art. « Pour moi, le vrai plaisir du métier, c’est tout le travail de réflexion afin de choisir les bons matériaux pour l’œuvre que l’on m’a confiée. »
Très vite elle ajoute « J’aime tout autant réaliser l’encadrement mais cela m’aurait frustrée, en étant salariée, d’exécuter sans pouvoir conseiller ni être force de propositions. »
Ainsi, pour les photographies, aquarelles et pastels dont les pigments ne doivent pas se retrouver en contact direct avec le verre sous peine d’altération,
Jeanne propose le passe-partout, un carton aux angles biseautés, chez elle, en pure-chiffon teinté dans la masse, qui va légèrement décaler le verre, tout en apportant de la profondeur et de l’espace au sujet.
Autre solution possible, l’encadrement direct ou cadre-boîte, le plus onéreux car le plus complexe à réaliser. L’œuvre placée en montage flottant, ne touche ni le fond ni le verre grâce à la rehausse, une baguette invisible collée tout autour du cadre.
Enfin, la technique de la caisse américaine, utilisée uniquement pour les peintures, consiste à laisser quelques centimètres entre la toile et le bord de la baguette, donnant également une impression de flottement.

Une multitude de tâches

Dans son atelier, Jeanne virevolte, va de l’établi au découpage du verre puis à celui des baguettes. Toutes les machines rachetées ont du vécu, sont manuelles donc facilement réparables. Seul l’assembleur fonctionnant à l’électricité et associé à un compresseur, fait quelquefois des siennes mais l’encadreuse reste confiante sur sa capacité à envoyer les agrafes le plus longtemps possible.

Cette variété de tâches exécutées plus ou moins rapidement l’autorise à confectionner plusieurs cadres dans la journée. « Je m’étais interrogée sur le métier d’ébéniste mais rester assise sur une chaise pour travailler une pièce plus d’un mois d’affilée, ce n’est pas du tout dans mon tempérament » reconnaît Jeanne.

Gros plan de la coupe du verre pour l'encadrement

Gros plan sur la découpe du verre

Jeanne Baillergeau présente deux réalisations de tableaux encadrés

Exemples de caisses américaines

Encadrement d'une toile de bateau rapportée de Thaïlande

Au mur, des œuvres encadrées de l'artiste Prudence Richard

Exposer le travail d’artistes

Tout en jonglant avec les contraintes d’approvisionnement, les augmentations de prix des matières premières et les ruptures de stocks, Jeanne a réalisé une première année d’exploitation supérieure à ses prévisions. Son carnet de commande est plein, sa banque est rassurée.
Cette habitante du 18ème vient chaque jour à pied ouvrir son atelier, situé dans un angle, bien visible et lumineux. Elle apprécie l’ambiance du quartier, la clientèle sensible à l’art « J’ai la chance d’encadrer de très jolies choses » et les commerçants voisins comme le caviste, le restaurateur italien ou Murielle la monteuse.

Pour 2023, la jeune femme envisage d’exposer des artistes dont elle apprécie les œuvres. C’est le cas de Prudence Richard qui réalise de magnifiques dessins au stylo bille. « J’ai également envie de développer un projet avec Iconographia, un duo de photographes. » Autant d’œuvres encadrées par ses soins et proposées à la vente.

Au passe-Partout, Encadreur d’art, 24 rue La Bruyère, Paris 9.
Horaires d’ouverture : Lundi : 9h30 – 15h30.
Du mardi au vendredi : 9h30 – 13h/14h – 19h.

Frédérique Chapuis

Jeanne Baillergeau dans son atelier d'encadreur en train d'épousseter un grand vitrage

Les bonnes adresses du 9ème de Jeanne Baillergeau

Vadrouille, 50 rue Saint-Georges. « Pour un déjeuner avec des produits de saison, tendance méditerranéenne, inspiration Ottolinghi, 11,50 € l’assiette. C’est délicieux, copieux et l’accueil hyper gentil. »
Via Emilia : 22 rue La Bruyère. Restaurant italien et l’épicerie. « Tenus par deux frères Italiens. De vraies saveurs italiennes. Des produits et un service de qualité. »
Pois Plume, 4 rue Henry Monnier. « Une chouette sélection de jouets et un accueil très sympathique »
Le Chaptal, 50 rue JB Pigalle. « Une cuisine française en mode brasserie. Plat à 12,50 € »
L’Embuscade, un restaurant afro-caribéen. « On peut dîner, boire des caïpis et danser toute la nuit. »
Célia Darling Vintage, 5 rue Henry Monnier. « Une boutique de vêtements vintage avec une belle sélection d’articles griffés, des années 50 aux années 80. On peut trouver quelques belles pièces à des prix pas trop excessifs. »
Anti-rouille, 2 rue Gérando. « Du vintage authentique, large période : 1900 – 1980. Des pièces très accessibles pour homme, femme et enfant. »