En 1922, le poète André Breton emménage au 42 rue Fontaine avec sa première femme. Il y restera jusqu'à sa mort en 1966. Le mouvement surréaliste né au coeur du 9e, va essaimer et infuser toutes les formes d'art.
C’est sans doute à cette adresse mythique que Breton rédige “Le Manifeste du Surréalisme” en 1924. La verrière de l’atelier surplombe le boulevard de Clichy et les façades spectaculaires des cabarets du Ciel et de L’Enfer, ce qui ne devait pas déplaire au poète.
Ce dernier occupe successivement deux appartements à cette adresse. D’abord au quatrième étage jusqu’à son exil aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1946, de retour en France après une parenthèse de six ans, Breton retrouve son appartement-atelier resté inoccupé, accompagné d’Élisa Bindhoff, rencontrée à New York.
Trois ans plus tard, le couple marié descend d’un étage dans un appartement plus grand pour accueillir Aube, fille du poète et de Jacqueline Lamba.
Dès les débuts du mouvement, le lieu de vie et de travail du poète et un point de ralliement majeur du collectif, témoin de multiples réunions et expérimentations.
Chez “le pape du surréalisme” se pressent Paul Éluard, Rober Desnos, Louis Aragon, Tristan Tzara, ou encore les peintres De Chirico et Max Ernst.
On joue à fabriquer des poèmes avec des phrases découpées dans des journaux, on s’essaye aux séances de sommeils hypnotiques. Le 42 rue Fontaine est un foyer de création où s’élaborent de nombreux projets dans une atmosphère de saine émulation.
Le quartier Blanche devient l’épicentre de cette révolution artistique née des décombres de la première guerre mondiale, qui infusa toutes les disciplines (peinture, littérature, cinéma, photographie, sculpture), rayonna dans Paris et au-delà des frontières pour toucher l’Europe, les États-Unis…
Une pensée libérée de la raison
Prônant une nouvelle manière d’être au monde, un autre regard sur le réel, fouillant dans l’inconscient pour mieux créer, Breton et ses amis poètes, sculpteurs, peintres, photographes, fréquentent les cafés bordant la place Blanche.
Installés chaque soir au Cyrano, à deux pas du Moulin Rouge, leur QG, ils inventent sur un bout de table leurs questionnaires surréalistes, ils observent, font des rencontres.
André Breton dans son atelier du 42 rue Fontaine, photographié par Georges Viollon, 1960.
© ADAGP.
Le groupe privilégie la Rive droite, ses boulevards populaires et animés. Ses membres arpentent les rues, se laissant dériver, fascinés par « le merveilleux du quotidien » selon le mot d’Aragon. Aucune logique mais le hasard comme unique bréviaire. Plus tard, autre avant-garde, le situationnisme se construira dans l’ombre du surréalisme avec un même goût pour les dérives urbaines et l’inattendu.
Pour honorer la présence de Breton rue Fontaine, une plaque a été apposée par la Ville de Paris tandis qu’une place à son nom est inaugurée en 2009, à l’angle des rues de Douai et Pierre-Fontaine.
Cliquez ici L'atelier de la rue Fontaine
Au croisement de la rue de Douai et de la rue Fontaine, la place André Breton fut inaugurée en 2009.
Plaque apposée au 42 rue Fontaine par la Ville de Paris.
Un Paris prisé des surréalistes
Paris tient une place unique dans l’œuvre de Breton, la ville se confondant avec ses amours tumultueuses.
En 1926, place Franz Liszt, Breton, marié à Simone Kahn, fait la connaissance d’une « âme errante », Léona Delcourt, qui lui inspire « Nadja ». Plus tard, en 1934, c’est une peintre et décoratrice, Jacqueline Lamba, rencontrée au café Cyrano qui bouleverse sa vie. Il la trouve « scandaleusement belle ». Elle deviendra sa femme, ils auront une fille, Aube, et sera au cœur de « L’amour fou ».
Breton décède le 28 septembre 1966 à l’âge de 70 ans, malade des bronches. Il est enterré au cimetière des Batignolles. Sur sa tombe, cette épitaphe : « Je cherche l’or du temps. »
Source : L’atelier André Breton.
Frédérique Chapuis
Le cabaret L'Enfer, en 1920 © Charles Lansiaux / DHAAP - 53 bd de Clichy.
Expo-événement « Surréalisme » au Centre Pompidou jusqu’au 13 janvier 2025
Le portail du cabaret L’Enfer, recréé de toutes pièces, accueille le visiteur à l’entrée de l’exposition qui propose un parcours labyrinthique en 13 chapitres. Parmi les œuvres et objets présentés, le manuscrit original du Manifeste du Surréalisme, un prêt exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France, se découvre par une projection immersive, guidée par la voix de Breton, reconstituée par l’Ircam.
Retrouvez ici Le fameux Mur Breton, entré dans la collection du centre Pompidou en 2003, avec l’ensemble des œuvres détaillées.