Nichée rue Lamartine, la boutique MadLuv propose des pulls en cachemire colorés et pop. Les clientes fidèles du quartier ne s’y trompent pas. Nicolas, le créateur de la marque, biberonné à la musique anglo-saxonne, réussit à mixer deux univers aux antipodes, l’élégance classique du cachemire à l’audace de l’univers pop rock.
Derrière la vitrine, des pulls colorés et joyeux attirent le regard. Ici et là, des pochettes vinyles permettent de cerner les goûts musicaux de Nicolas, responsable du lieu. Que des albums hautement recommandables ! alors on pousse la porte sans hésiter.
Réinterpréter le cachemire
Chez MadLuv, on trouve nécessairement un peu de cette folie inspirée du rock british à travers de petites phrases tricotées sur les pulls et gilets présentés sur les portants.
Blue Monday, Life on Mars, Lust for life ou plus difficile à trouver, All cats are grey*… Si vous n’avez pas les références musicales car nés trop tard, ça n’est pas bien grave. Pour Nicolas, elles racontent une histoire, un moment, peut-être un peu de sa jeunesse envolée, mais chacun voit et projette ce qu’il veut, c’est le jeu.
Le créateur s’est aussi attelé à travailler les onomatopées issues de l’univers de la BD. Les Bam ! Grrr ! ou encore Yeah ou Blah Blah Blah ont fait leur apparition. Des messages drôles optant pour le second degré.
À ces petites phrases ou mots courts qui touchent comme autant de petits bonbons transmetteurs d’émotions, s’ajoute le choix de coloris et de motifs que l’on a pas forcément l’habitude de voir sur des tops en cachemire. Car même les couleurs sont issues de l’univers musical avec un vert Cheyenne Automne, un violet Purple Rain ou un orange Tangerine. Les fans de musique reconnaîtront les artistes qui se cachent derrière.
« Un jour, je mets en vitrine un pull à damier noir et blanc, allusion à la vague Two-Tone du ska, aux groupes Madness et The Specials. J’ai vendu mon premier modèle à une ancienne coureuse automobile qui voyait là, le drapeau qui signale la fin de la course » s’enthousiasme le féru de musique qui a aussi retrouvé son pull à damier sur le dos d’une championne d’échecs lors de ses tournois.
Nicolas Chatouillot, créateur de la marque MadLuv est un passionné de culture anglo-saxonne.
Derrière un mot, une expression, chacun met ce qu'il veut.
Un Blue Monday des New Order qui parle à tous.
Un côté rock girly pour ce Lady Jane, une réference aux Rolling Stones.
De la grande distrib à MadLuv
Lorsque Nicolas Chatouillot se lance en 2015, il a derrière lui, une vingtaine d’années d’activités professionnelles dans le secteur de la grande distribution « Je négociais avec les centrales d’achat pour le compte d’entreprises de l’agro-alimentaire. » Et même s’il s’épanouit dans son travail, arrive le jour où l’appel du large commence sérieusement à le titiller : « J’avais un côté créatif que je ne pouvais pas exprimer. » Il travaille patiemment son projet en sous-marin, mêlant ses deux passions, la musique et la mode, et profite d’un plan de départ pour quitter sa boite. Un passage à l’institut de mode et du design italien Marangoni lui donne les clefs des techniques et des usages commerciaux du milieu. Une formation en e-commerce va lui assurer une mise en ligne de son site marchand dès le démarrage de l’entreprise.
La reconversion mûrement réfléchie prend forme. Désormais, l’ancien directeur commercial devenu entrepreneur, travaille son positionnement de marque, court les salons à la recherche de fournisseurs. Il parie sur du prêt-à-porter avec une valeur ajoutée. En d’autres termes, il fera du luxe accessible au travers de la maille, du cachemire de qualité, et des modèles pop et décalés.
Un agencement trendy où cachemire rime avec rock 'n' roll attitude.
Rue Lamartine
Si l’emplacement n’est pas un premier choix, la rue est tout de même empruntée car plus calme que sa voisine la rue de Châteaudun, Nicolas en est content. Le lieu, à son image, fait office de boutique, de show-room et de bureau. Il est essentiellement fréquenté par une clientèle fidèle du quartier. « Des femmes de tout âge, mais mon cœur de cible se situe entre 40 et 60 ans, des personnes qui travaillent avec un certain pouvoir d’achat » précise le garçon qui se félicite d’un bon taux de conversion. Peu de trafic donc mais des clientes qui entrent, font un repérage et séduites, reviennent pour acheter.
Ici, l’ambiance est tranquille, les disques de l’éditeur et label voisin PIAS, rue Milton, tournent sur la platine à la demande. Les modèles femme et unisexe, col rond ou roulé, à l’esprit loose ou plus proche du corps, sont accessibles à partir de 275€. On trouve aussi des gilets à capuche et des pantalons en cachemire : « C’est l’effet télétravail, souffle Nicolas, À la maison devant son ordi, on veut s’habiller avec des vêtements d’intérieur qui restent chic tout en étant confortables. »
Un rayon de prix soldés est en permanence à disposition. « Se payer une pièce à 300 € n’est pas offert à toutes. Les plus jeunes économisent quand d’autres se font offrir le pull convoité par les parents ou le petit ami » reconnaît Nicolas. « Le côté original, décalé et coloré plaît beaucoup » souligne-t-il.
Une seconde boutique située au 14 rue de Turenne, lui assure une visibilité de la marque et touche d’autres clients dont de nombreux touristes et de passants venus faire leurs achats dans le Marais, le quartier de la mode.
Du cachemire de Mongolie-Intérieure
Rencontré dans un salon, son fournisseur de cachemire lui assure la production des pulls et gilets à partir des modèles créés à Paris. L’ensemble des collections est confectionné avec des matières naturelles (cachemire, lin, soie) sélectionnées avec rigueur.
Afin de s’assurer des bonnes conditions de travail des salariés et contrôler la production, Nicolas se rend régulièrement sur place. Son prochain voyage est prévu en mars. « La première fois, j’ai été surpris de trouver sur place une usine et des bureaux ultra modernes. Les employés terminent à 17h. Il n’y a que moi qui reste jusqu’à point d’heure lors de mes séjours » note-t-il en souriant.
Empoignant une chèvre figurine avec de vrais poils, qui trône sur son bureau, il évoque le peignage, et non la tonte du cachemire, ce fameux duvet qui pousse sur le poitrail de l’animal.
Sa qualité dépend des températures. Plus celles-ci sont froides, entre -20 et – 30 degrés, meilleure sera la fibre. Les chèvres élevées dans le désert de Gobie, sont peignées par les éleveurs au printemps au moment de la mue.
Les fibres de laine sont ensuite triées. Les plus pures serviront à la confection de cachemire haut de gamme. Tricotés sur des machines industrielles, en 2 fils ou en 4 fils pour une maille très épaisse, les pulls de Nicolas emprunteront ensuite la voie des airs pour être livrés en France. Écharpe, bonnet et mitaine complètent l’offre siglée Madluv.
Less is more
Les pièces qui se vendent bien sont reconduites d’une saison à l’autre, quand les nouvelles collections sont livrées deux fois par an.
Les quantités sont donc produites au plus juste et les stocks très limités. Pas de surproduction, ni d’entrepôt donc, Nicolas assure lui-même chaque fin d’été et d’hiver la livraison des collections auprès de boutiques en province et gère les expéditions à l’international. Sans mettre ses œufs dans le même panier, l’ancien directeur commercial a multiplié les canaux de distribution mais toujours à échelle humaine.
Grâce au salon « Who’s Next » , le grand rendez-vous des professionnels de la mode qui se tient chaque année Porte de Versailles, il est en contact avec des acheteurs du monde entier. Côté pub, l’homme prête ses modèles pour le stylisme des animatrices et journalistes. Pour un pull Bam ! porté une quinzaine de minutes par une animatrice connue, c’est une dizaine de commandes qui sera immédiatement comptabilisée sur le site internet. L’effet télé reste très fort.
Malgré les aléas classiques d’une vie d’entrepreneur, « Les planètes ne sont jamais alignées au même moment », Nicolas continue son bonhomme de chemin, rempli de l’énergie que lui donne le rock et le retour de ses clientes. En 2024, un nouveau défi l’attend. Il s’attaque au vestiaire masculin.
À propos de MadLuv, certains auront peut-être reconnu la référence à la chanson L.U.V de Daniel Darc, chantée en duo avec Alain Bashung. Ce fou d’amour sied bien à la marque un peu folle à travers ses créations tout en mêlant l’aspect plus cocooning du cachemire dans lequel on se love et qu’on love. La boucle est bouclée.
*All Cats are grey : quatrième titre sur l’album Faith de The Cure sorti en 1981.
Frédérique Chapuis
Une vitrine pop et colorée, des pulls, quelques accessoires et des vinyles.
Des modèles de pulls unisexe avec ou sans capuche
MadLuv, 6 rue Lamartine, Paris 9.
Horaires d’ouverture : du mardi au samedi, de 11h à 19h.