Une cave à vins sans alcool

Xavier Moussallem est une jeune homme de tout juste 20 ans étonnant. Il a ouvert en mai 2023 un établissement spécialisé sans alcool rue Bleue. En troisième année d’école de commerce à l’ISG, l’entrepreneur n’a pas perdu de temps et ne manque pas d’énergie. Sur le pont 7 jours sur 7, il a monté sa petite affaire en 18 mois, avec le soutien de sa famille et de ses proches, sélectionné ses marques et fait le pari de la qualité.
« C’est une aventure incroyable souligne Xavier. Cela me permet de mettre en  pratique ce que l’on apprend à l’école tout en faisant de belles rencontres autour d’un produit novateur. » Le jeune homme qui ne supporte pas l’alcool, « dès le premier verre, j’ai des maux de tête et de la fatigue », s’est installé sur un secteur porteur.
Si le sans alcool reste encore un marché de niche, on constate de fortes progressions, une vraie demande et des propositions de qualité.

La clientèle ? des personnes qui pour différentes raisons ne boivent pas d’alcool (femmes enceintes, diabétiques…) ou qui ne le supportent pas, des sportifs, des jeunes et moins jeunes qui veulent baisser leur consommation, et les curieux, à la recherche de nouvelles saveurs.

Face à une prise de conscience liée à l’abus d’absorption d’alcool, les consommateurs, notamment, la jeune génération, recherchent des alternatives tout en continuant à se faire plaisir.  Sobriété ne veut pas dire abstinence et s’ouvrir au sans alcool, c’est adopter la mesure, face à l’excès et à ses conséquences.

Sur les rayons, que du bon, et une majorité d’entreprises françaises comme ce remarquable gin de chez Djin Spirits, une entreprise artisanale de Charente qui travaille sur la concentration des ingrédients pour obtenir un profil très herbacé et relevé avec un distillat de gingembre. Une approche analogue pour JNPR qui propose cinq références pour sublimer nos apéros et est à l’origine d’une replantation de genévriers en Normandie.
Toutes ces boissons ont en commun d’être sans sucre, donc sans calorie, un argument imparable, souligne Xavier qui nous dévoile la gamme Sober Spirits, (élus meilleurs spiritueux sans alcool au monde en 2021). Installée à Lyon dans une ancienne distillerie, l’entreprise élabore ses recettes à partir de véritables spiritueux que l’on désalcoolise.

Une fois l’alcool séparé, grâce à des techniques sous haute pression issues de la parfumerie, le travail sur les arômes commence grâce à l’ajout d’éléments végétaux (fleurs, racines et baies). Ici, rien ne se perd car l’alcool à 96% est réutilisé en parfumerie à Grasse.

Au rayon bière, secteur qui tire le marché, les cervoises sont réalisées à base de levures non fermentées. On remarque une belle sélection de la brasserie artisanale Brulo, la Goxoa blonde, une bière prisée des sportifs, bourrée d’oligo-éléments. On fait également confiance aux néerlandais avec une IPA Lowlander.

Avec le no alcool, de nouvelles créations arrivent sur le marché comme L’Original d’Osco avec un assemblage de vergus, un jus de raisin acide et de plantes méridionales aromatiques, à retrouver dans une version fruits rouges et épices. À allonger avec un tonic ou un prosecco sans alcool.

Autre proposition avec Gimber qui met en vente une gamme de concentrés à base de gingembre (citron, herbes et épices biologiques). De quoi réveiller un cheval mort ! Xavier nous précise que certains clients le prennent en shoot du matin, pour un coup de boost. Mais on peut le servir avec une eau pétillante, en infusion chaude, en cocktail ou même l’utiliser en cuisine.
On a goûté et apprécié l’Aperitivo de Iessi, une recette aux subtiles saveurs d’orange amère, de gingembre et de gentiane.

Côté vin, les effervescents – les bulles amenant une certaine structure au jus- et les blancs s’en sortent plutôt bien. Pour le rouge, c’est un peu plus compliqué mais le jeune homme saura vous aiguiller, “chaque bouteille mise en rayon est goûtée et testée par des spécialistes“, parmi la centaine de références présentes en boutique. Sans parler des eaux pétillantes aromatisées et autres propositions de sirops artisanaux.

Du côté des tarifs, à gamme identique, les bouteilles sont un peu moins chères que leurs consœurs alcoolisées. Si la production est généralement plus coûteuse, la TVA moins élevée, (5,5% contre 20%) réduit un peu les prix.

Les contenants sont beaux, conservent les codes de l’alcool pour ne pas effrayer la clientèle, les étiquettes travaillées, les recettes de mocktails disponibles sur internet. Plus branchée et plus qualitative, l’offre devrait séduire un public toujours plus large, notamment les jeunes et les femmes. Et pour casser les codes de la cave traditionnelle, Xavier n’a pas hésité à disséminer dans sa boutique quelques œuvres d’art contemporain, toutes en vente.
Le jeune homme en est certain : c’est maintenant qu’il faut prendre le train en marche.

Frédérique Chapuis