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De son ancien métier de graphiste, Nathalie Bony a conservé le goût du dessin et des couleurs qu’elle met aujourd’hui au service de son activité de brodeuse d’art. Formée chez Lesage, elle s’est lancée en indépendante et customise tous types de pièces pour les particuliers dans son atelier de la rue de Clichy.

Penchée sur son métier, face à de grandes fenêtres donnant sur une magnifique vue des toits de Paris, Nathalie brode de fines perles au crochet de Lunéville. « Il y en a de toute taille ce qui permet de s’adapter au fil utilisé et au tissu que l’on pique pour aller chercher la fourniture » explique la brodeuse.

Tandis que la main droite pique le tissu, la gauche, positionnée sous le métier, pose, grâce à un point de chaînette, les perles sur le tulle de soie. Un travail de titan qui nécessite de la concentration et un sérieux savoir-faire, en usage dans la mode et la haute-couture.

Au dos d’un gilet d’homme, les ailes d’un dragon brodées ton sur ton. Le client a tellement apprécié qu’il a commandé une nouvelle pièce mais cette fois avec l’animal légendaire brodé d’or. Sur le bureau de la créatrice, des esquisses crayonnées de la future créature. Sur un portant, une veste brodée de petits motifs de houx et plumes attend sa propriétaire.

« Depuis la Convention de Washington, on n’utilise que des plumes d’animaux vendus pour être mangés : oies, canard, poules… avec une exigence de traçabilité » tient à préciser Nathalie qui passera son CAP de plumasserie en fin d’année. Une nouvelle corde à son arc et des possibilités de créations originales infinies : « C’est une matière fantastique, magique à travailler. Les plumes sont solides. Elles ont une beauté naturelle, légère, mouvante, pour un rendu sublime. »

Broderie sur une robe de mariée, sur un sac, sur le revers d’une veste un peu trop sage, sur des chaussures, sur un tissu d’ameublement, tout est possible. « Monsieur Lesage avait coutume de dire : tout se brode » poursuit Nathalie, se remémorant ses années d’apprentissage.

Nathalie sur son métier en train de broder au crochet de Luneville.

Formée chez Lesage, Nathalie customise toute pièce que lui confient des particuliers.

manche d'un blouson sur laquelle est brodée des motifs de houx avec leur feuille

Une manche de veste brodée de petits houx, symbole d'espoir.

Motif ailes de dragon brodées sur le dos d'un un gilet noir d'homme

Deux ailes de dragon brodées viennent encanailler un gilet homme.

Un main pique un tissu tendu sur un métier à broder avec un crochet de Luneville

Le crochet de Lunéville disponible en 5 tailles permet de broder au point de Beauvais, de chaînette, et de poser des perles et des paillettes.

Du graphisme à la broderie

C’est en 2004 que Nathalie pousse les portes de l’école Lesage, située alors dans le 9e, rue de la Grange-Batelière (avant de déménager à Pantin puis au 19M, lieu dédié à l’artisanat d’art).

Formée par des brodeuses d’atelier, son apprentissage va durer dix ans. « J’avançais niveau après niveau. Je voulais approfondir pour atteindre la perfection » souligne la brodeuse qui pour payer ses frais d’étude, l’école est chère, n’a d’autre choix que d’assurer en parallèle des missions de graphisme.

Celle qui se destinait à une carrière de danseuse classique a déjà rebondi une première fois. Une grave blessure à l’âge de dix-neuf ans la contraignait à revoir ses rêves. Elle se réoriente et choisit d’intégrer l’école Estienne où elle apprendra le dessin et le graphisme. « Je n’ai rien regretté. J’ai travaillé une dizaine d’années en studio de création et en agence », avant de bifurquer. Elle lâchera donc les écrans, un vrai ras-le-bol, pour l’aiguille et la broderie, une activité qui a toujours fait partie de sa vie. « Ma grand-mère brodait, ma mère était couturière. J’ai baigné dans ce milieu. Enfant, adolescente, j’ai toujours brodé dès que j’en avais le temps. »

Des fournitures haut de gamme

Connaissant près de 80 points traditionnels à l’aiguille, tous se référant à une période précise de l’histoire, tel le point de couchure, très utilisé au Moyen Âge pour remplir les motifs, Nathalie s’extasie devant la finesse d’une perle de verre de Murano.

Ses tiroirs débordent de paillettes, cuvettes, sequins, cabochon, strass, de fil à gant ciré ou de soie, aux coloris et nuances multiples, autant de fournitures qu’elle choisit avec soin, un vrai budget, et qui vont sublimer ses créations. Elle met d’ailleurs un point d’honneur à se fournir en paillettes chez Langlois-Martin, l’un des derniers fabricants français, aujourd’hui installé en Normandie, entreprise historique qui travaille avec les plus grands brodeurs parisiens : Hurel, Lesage, Vermont, Montex…

Haute couture et ameublement

Quand l’heure des collections haute couture approche, Nathalie quitte la tranquillité de son atelier pour l’effervescence des grands noms de la mode française.
Cet hiver, elle a brodé, nuit et jour, des pièces de cols pour le défilé Dior Homme. « On travaille des semaines à un rythme infernal, sans jour de repos » précise Nathalie qui rappelle le salaire d’une ouvrière expérimentée : 16€ brut de l’heure.

En octobre dernier, elle enrage sur une robe de mariée Jean-Paul Gautier, une commande particulière. Le tissu, « genre chewing gum » se dérobe sous ses doigts. Son pire souvenir et en même temps, elle ne peut s’empêcher de les aimer toutes, ces robes magnifiques, au vu du nombre d’heures passées dessus.

La création dont elle est la plus fière ? deux coussins brodés pour un particulier qui s’était mis en tête de reconstituer à son domicile le cabinet du Billard de Marie-Antoinette. Visite à Versailles, photos, recherches, Nathalie n’a pas ménagé ses efforts afin que les deux pièces s’intègrent parfaitement au mobilier. Une véritable prouesse.

Dans le calme de l’atelier

Lorsqu’elle retrouve son métier, ses crayons et ses crochets, la créatrice se cale sur radio Classique Canada, « une station sans pub » se réjouit-elle, et partage son temps entre la broderie et la recherche : « Je dessine, j’ouvre des livres. Tout m’inspire, la nature comme l’architecture. » Passionnée par les années 20 et le baroque, elle apprécie plus que tout se plonger dans les archives, identifier les points et les fournitures utilisées à l’époque.

Elle officie ainsi à la reconstitution de costumes pour des compagnies de danse baroque : « À partir de tableaux, j’ai réalisé ce que l’on appelle une pièce d’estomac, brodée de motifs floraux avec du fil de soie », une pièce qui vient se rajouter sur la robe du 18e siècle et qui lui a demandé un mois de travail.

Un manque de valorisation du métier

Paillettes coloris roses de l'entreprise Langlois-Martin

Chapelet de paillettes de chez Langlois-Martin, qui recense quelques 5000 références.

Chapelet de perles de Murano de couleur or

Des perles de Murano précieusement rangées par coloris dans leur papier de soie.

Motif de broderie coquelicot avec paillettes

Nathalie regrette que les métiers de la main ne soient pas valorisés auprès des jeunes dès le collège. Et pourtant, on manque de brodeuses en France. « Pour des pièces uniques, on s’en sort, mais pour réaliser des collections supérieures à 100 pièces, on ne peut pas produire chez nous » rappelle la brodeuse.

L’Inde, l’autre grand pays de la broderie, traditionnellement réservée aux hommes, fournit de nombreuses marques, lesquelles n’hésitent plus à communiquer dessus. Ainsi, la collaboration depuis plusieurs années entre l’école d’artisanat Chanakya et la Maison Dior.

Des cours et de l'initiation

Souhaitant transmettre un savoir-faire unique, un art de l’embellissement qui remonte au Moyen Âge en France, celle qui a obtenu le label « Fabriqué à Paris » catégorie « Mode et Accessoire » pour un papillon brodé haute couture, donne des cours le dimanche.
Nathalie propose un enseignement sur-mesure. Les élèves qui ont déjà leur CAP de broderie viennent se former au dessin, d’autres se forment pour passer leur diplôme en candidat libre.
Les élèves débutantes sont les bienvenues. Initiées au crochet de Lunéville, à l’aiguille, ou à la broderie perlée, elles repartiront avec une broche ou une belle manchette à faire pâlir d’envie les copines.

Frédérique Chapuis

Dessin de travail et broderie sur tulle de soie avec perles et paillettes

Travail de dessin préparatoire pour créer un échantillon

Motif brodé à partir d'un dessin d'un manteau d'homme datant de 1610 -1622.

Le motif brodé est réalisé à partir d'archives d'un manteau d'homme du 17e.

Détails des points de broderie

Des points et des textures de fils différents pour un résultat tout en finesse

Fourniture de broderie : crochets de Luneville de différentes tailles, perles fils et strass

Crochets, aiguilles, perles de Murano, perles facettées Swarovski... de l'outillage et des fournitures précieuses.

Gros plan de motifs brodés au fil d'or

Le motif est brodé au fil doré

Broderie d'une robe en tulle de soie vers 1810

Réalisation d'une robe en tulle de soie (modèle de 1810 - Londres)

Les Ateliers d’Armide, 42 rue de Clichy, Paris 9.
www.laa.paris @les_ateliers_d_armide