Sur un bout de trottoir de la place Pigalle en travaux, un homme à la casquette s'est installé. Il signe Zgufa sur ses toiles qu'il vend aux passants.
L’autre jour, en traversant la Plage Pigalle, j’ai croisé le regard d’un homme au visage triste et doux. Il est assis sur une chaise de camping à côté de sa tente rapiécée. Une personne malveillante a tenté d’y mettre le feu. Il signe Zgufa sur ses toiles.
L’homme de 66 ans, « comme la route 66 aux États-Unis » précise-t-il, s’appelle Ilche Arsenioski et signe Zgufa sur ses toiles. Il peint à l’acrylique des visages féminins, par touche épaisse ; des toiles qu’il vend, dans son coin, sans déranger.
Ses amis français le surnomment Ars ou Arsène. Il a vu le jour à Gostivar, en Macédoine, a vécu 37 ans à Prague en République Tchèque, a étudié aux Beaux-Arts de Sarajevo.
Ses grands formats se retrouvent sur des plateformes d’art en ligne, proposés entre 130€ et 1 200 €. En vend-il ? Il en aurait laissé près de 300 en dépôt-vente mais ne recevrait pas un euro en retour.
On comprend qu’une relation bien placée a passé le mot aux services de police pour le laisser tranquille. À travers les regards et les silences, quelques mots en anglais, on imagine un parcours de vie fait de hauts et de bas. En ce moment, il est plutôt dans une mauvaise passe.
Dans les années 80, Ars monte une entreprise artisanale de bijoux (aujourd’hui en sommeil) et tient à me montrer les papiers l’attestant, qu’il sort consciencieusement de sa pochette, bien planquée sous ses vêtements.
Pendant notre échange, il est confus de rester assis mais son dos le rappelle à l’ordre.
Ilche Arsenioski installé Place Pigalle, signe Zgufa sur ses toiles.
Zfuga s’est installé deux ans en Normandie, dans le petit village de Rugles à une dizaine de kilomètres d’Aigle. En fouillant sur le net, une photo le représentant lors d’une exposition locale apparaît à l’écran. Depuis le Covid, tout s’est arrêté là-bas. Il a préféré plier bagage et revenir à Paris.
L’artiste de la Place Pigalle recherche un petit local avec un point d’eau et de l’électricité pour peindre, à l’abri, et vivre de son art. Et de rechercher frénétiquement sur son téléphone la photo archi-connue de Francis Bacon dans son atelier.
Il se verrait bien travailler à une grande fresque dans le cadre de la réfection du portail (aujourd’hui une tôle ondulée très moche) de l’avenue Frochot, côté Place Pigalle.