Ces derniers jours, avec des pics à 38°, certaines professions, plus que d’autres, ont souffert de la chaleur. Allègement des horaires, réduction de la production, ventilos et courants d’air, chaussettes de contention ou port du short, chacun sa recette. Dans les rues du 9e plombées par le soleil, comme partout ailleurs, les commerces s’adaptent. Nous sommes allés à leur rencontre.
Courants d'air mais ventilos non grata
13h30. Chez Les Garçons Coiffeurs, des courants d’air à gogo entre l’entrée et la porte arrière donnant sur le couloir de l’immeuble. On remarque immédiatement l’absence de ventilateurs sur pied, des accessoires qui feraient voler les cheveux de la clientèle. Impossible dans ces conditions pour ces figaros de jouer du ciseaux avec précision.
Ici, le port du short ne fait pas débat, il est d’ailleurs adopté depuis de nombreuses années en période estivale : « On peut être à son aise tout en faisant bien son travail » argumente Michaël, le propriétaire des lieux. Une tenue facilement adoptée par Benjamin, son employé.
Au salon, on évite si possible le sèche-cheveux qui fait monter la température et naturellement, les clientes ne demandent pas de brushing, le reportant à une période plus clémente. D’ailleurs, nombreux sont celles et ceux qui, cheveux courts, repartent tifs encore mouillés.
Michaël doit s’adapter, envisageant de remplacer les blouses en synthétique, des étuves, par des modèles en coton mais qui accrochent les cheveux, tant pis. Quant au modèle jetable ? trop polluant.
Installer une grande palme au plafond ? Pas vraiment une solution miracle « mais une ventilation naturelle qui fait son petit effet » annonce-t-il. Et pourquoi pas, si cela lui permet de repousser le passage à la clim qui participe aussi au réchauffement climatique. Le casse-tête reste sans réponse.
Or, avec des périodes de canicule de plus en plus intenses et précoces dans l’année, l’homme ne se fait guère d’illusion « pour améliorer les conditions de travail de l’équipe et le bien-être de sa clientèle », il devra nécessairement en passer par là.
📍Les Garçons Coiffeurs, 19 rue Clauzel, Paris 9.

Benjamin Surreau (Les Garçons Coiffeurs) a très vite adopté le short en période de canicule.

La chef pâtissière Céline Lecœur arrive une heure plus tôt pour éteindre son four au plus vite, en période de canicule.
Éteindre le four plus tôt
14h. Dans le laboratoire de sa pâtisserie, Céline Lecœur et son apprentie cherchent les courants d’air, portes grandes ouvertes de part et d’autre du local.
Un ventilo brasse un air déjà chaud. La responsable, en tenue de sécurité réglementaire, chaussure, pantalon et tablier, a adapté ses horaires, arrive une heure plus tôt, enchaîne ses cuissons pour éteindre le four dès que possible.
Pour autant, la pâtissière subit la chaleur emmagasinée, celle des machines, du moteur du frigo en surchauffe qui lui souffle un air chaud sur les pieds, à son poste de travail.
Son système d’extraction lui permet d’évacuer les odeurs et la vapeur, soit une partie du mal-être ressenti. L’installation d’une clim ? Elle y pense mais la copropriété ne l’autoriserait pas. « Il n’y a pas grand chose à faire malheureusement » note la jeune femme qui a dû organiser différemment la production.
Ses fonds de tarte passent désormais au frais avant d’être fonçées. Sinon, trop molle, la pâte se brise dès qu’on la manipule.
À midi, les salades et gaspacho maison partent vite tandis que son offre de bâtonnets glacés se déguste à toute heure du jour.
📍Pâtisserie Céline Lecœur, 5 rue de Calais, Paris 9.
Horaires adaptés, clim en cuisine
15h. Au PNY Pigalle, le service tire à sa fin. Derrière le bar, Thimoté le directeur, vêtu d’un simple short et tee-shirt, attend des ventilateurs commandés mais qui se font désirer. Il en installera plusieurs aux endroits stratégiques pour brasser de l’air.
Au sous-sol, les équipes travaillent en environnement climatisé, la cave est laissée entrouverte mais quand la fournaise s’installe, les organismes trinquent. En cause la chaleur dégagée par les brûleurs et friteuses. Prudent, Thimoté a fait recharger ses frigos en cartouches de gaz pour éviter toute rupture de la chaîne du froid. Enfin, distribution régulière de bouteilles d’eau pour tous.
Pour l’ensemble du staff en cuisine et au service, il a été décidé une réduction des plages horaires, de une à deux heures, en cas de fortes chaleurs.
Avec 38° à l’ombre, les clients se font plus rares, -50% du chiffre d’affaires habituel, mais reviennent dès que la température diminue pour une carte autour du burger, spécialité de la maison. À plébisciter, la version veggie, coleslaw et sauce menthe pour la note fraîcheur.
📍PNY Pigalle, 24 rue Pierre Fontaine, Paris 9.

Thimoté, le directeur du PNY Pigalle garde le sourire malgré des conditions de travail difficiles en cas de fortes chaleurs.

Chanel, à la vente à la boulangerie Mamiche, apprécie le choix d'une production allégée qui permet d'éteindre le four plus tôt dans la journée.
Moins d'heures de travail, la dernière Tradi à 17h.
16h. À la boulangerie Mamiche Condorcet, entre deux clients, Chanel, chaussettes de contention et short camouflés sous son tablier, prend le temps de nous répondre.
Ici, comme à la boutique de Château-d’Eau le parti pris est clair : en cas de vigilance rouge, on produit moins et on aménage les horaires des équipes.
Concrètement, les dernières fournées de baguettes Tradition sortent à 17h au lieu de 19h. Les fours éteints plus tôt dans la journée, leurs chaleurs indisposent moins à la vente du soir. Les boulangers, tourriers et pâtissiers allègent leur production pour quitter une heure plus tôt leur poste. Un gain précieux !
En boutique, trois ventilateurs ont pris le relais de la clim inversée qui a pris feu il y a deux mois.
Les toasters de sandwiches sont débranchés, les lumières restent éteintes. Chaque source de chaleur est traquée et les client.e.s continuent de se régaler.
📍Boulangerie Mamiche, 45 rue Condorcet, Paris 9.
Faire avec la chaleur
21h. Au restaurant mexicain Luz Verde, les assiettes défilent. Au fond de la taqueria, le chef Alexis Delassaux et son cuisinier s’affairent dans une cuisine de poche sans ouverture. Le duo ne lésine pas sur les bouteilles d’eau et affrontent l’air étouffant sans vraiment broncher.
Alexis est fataliste : « On ne peut rien y faire. Si on ne supporte pas la chaleur, on est pas fait pour ce métier. »
Pour l’heure, le thon rouge mi-cuit à la flamme n’attend pas. La sauce au piment doux l’accompagnant devrait encore faire grimper la température. Vamos !
📍Luz Verde, 24 rue Henry Monnier, Paris 9.
Frédérique Chapuis

Le chef Alexis Delassaux et son cuisinier, au restaurant Luz Verde, prennent leur mal en patience en attendant des températures plus fraîches.