La célèbre place, porte d’entrée du 9e, entre en phase de travaux à partir de mai 2023 pour une durée annoncée de neuf mois. Une rénovation d’envergure répondant à un triple objectif : végétaliser, améliorer la circulation des piétons et valoriser le patrimoine.
Cette place typiquement parisienne en demi-cercle, très fréquentée de jour comme de nuit, en contre-bas de la Butte Montmartre et bordée par le boulevard de Clichy, est connue dans le monde entier. Située dans un quartier dont la bohème artistique puis les bars à hôtesses ont fait la renommée, elle est aujourd’hui peu accueillante, victime du trafic routier, et souffre d’une image dégradée.
Pourtant, sa fontaine édifiée en 1862 par l’architecte Gabriel Davioud, et son entrée de métro dessinée par Guimard, édifice iconique du paysage parisien, renvoient à un autre temps et inscrivent la place au sein du patrimoine culturel de la ville.
Un projet phare de la mairie du 9e
Souhaité par la ville de Paris et la mairie d’arrondissement, « ce programme d’aménagement a fait l’objet de nombreuses réunions entre urbanistes, services techniques de la ville, associations d’habitants, conseil de quartiers, et la RATP » a rappelé la maire du 9e Delphine Bürkli, lors de la réunion publique qui s’est tenue le 4 avril dernier en salle de Conseil. Tout en insistant sur sa volonté d’inscrire le projet dans le temps, la première édile a dû batailler sur le choix des matériaux, par exemple imposer l’ajout de pavés plutôt qu’un simple bitume, et trouver des compromis concernant la végétalisation pleine-terre.
En 2006, la place avait été réaménagée et minéralisée en lien avec la restructuration des boulevards
Le réaménagement de la place Pigalle, qui représente avec celui de la rue de Clichy,un projet-phare de la mandature, est évidemment très attendu des riverains qui se plaignent des incivilités, du bruit et de la saleté du lieu. Pour mémoire, le premier projet « Donner une nouvelle vie à la place Pigalle » issu du budget participatif 2017, était doté d’une enveloppe de 245 000 euros. Dix ans plus tard, ce sont près de 900 000 euros qui seront consacrés à cette rénovation d’ampleur, un coût assumé par la maire pour obtenir un projet à la hauteur des enjeux et des attentes des Parisiens.
Une concertation citoyenne
Cette rénovation d’ampleur a fait l’objet d’une concertation publique organisée par la mairie du 9e entre le 15 décembre 2020 et le 20 janvier 2021. 1334 personnes se sont exprimées, et à une très large majorité se sont prononcées en faveur de la proposition la plus ambitieuse, avec un volet végétalisation conséquent.
Estimé à 500 000 euros il y a deux ans, le chiffrage s’est envolé pour atteindre aujourd’hui 881 000 euros. Les explications avancées : la présence d’infrastructures souterraines (RATP, réseau RTE…) qui ont nécessité de nouvelles études et une hausse d’environ 20% du prix des matières premières. Enfin, la mairie du 9e a misé sur des matériaux prestigieux.
Plus de vert, moins de béton
La phase d’assainissement terminée courant mai 2023, les travaux se feront en trois temps.
Tout d’abord, la fontaine restaurée sera mise en valeur avec un pourtour élargi et largement végétalisé. Les massifs prévus, associant fleurs, plantes vivaces et arbustes, assez bas pour conserver une vue traversante, devraient selon les concepteurs jouer le rôle de barrière de protection naturelle pour dissuader les jets de canettes et baignades avinées du samedi soir. Une solution préférée à la grille circulaire qui était en place jusque dans les années 2000.
D’autres massifs, plus imposants, viendront prendre place sur les trottoirs extérieurs. L’équipe de jardiniers devront également refleurir les pieds d’arbres. Après un premier examen sanitaire, les cinq micocouliers et le noyer noir sont en bonne santé et ne nécessitent pas d’abattage. De nouvelles assises, des bancs publics Alphand, seront installés en arc de cercle, sur le modèle du mobilier déjà présent place de la Madeleine.
On peut regretter l’absence de plantation de nouveaux arbres, pourtant prévus dans le projet plébiscité par les Parisiens. En milieu urbain, ces derniers sont les plus efficaces pour rafraichir l’air au moment des pics de chaleur par rapport aux autres formes de végétation, ayant une influence deux à quatre fois plus faible.
Les explications ont été données : l’emprise racinaire des arbres s’accommoderait mal de la présence de la station souterraine de la ligne 12.
Autant d’espaces verts supplémentaires qui vont nécessiter un bon entretien des services de la ville pour ne pas devenir de simples dépotoirs. En complément, le passage d’une entreprise privée plusieurs fois par semaine, comme dans tout le 9e, est programmé.
Viendra enfin la piétonnisation d’une large partie de la place, afin de réduire dans sa partie sud l’espace réservé aux véhicules. La chaussée sera convertie en « zone de rencontre », les piétons y seront prioritaires sur les vélos et les voitures, limitées à 20km/h. En outre, des traversées piétonnes aux débouchés des rues Duperré, Jean-Baptiste-Pigalle et Frochot, seront créées pour améliorer et sécuriser les déplacements.
Visuel de la place Pigalle réaménagée © Alékos Santantonios/PARIS/STRATEACT
Visuel de la place Pigalle réaménagée © Alékos Santantonios/PARIS/STRATEACT
Des embellissements bienvenus
Le revêtement de la chaussée sera pourvu de pavés de mosaïque, tandis que disparaîtront les signalétiques jaunes au sol, de même que les places de stationnement. Les trottoirs seront quant à eux gratifiés de grandes dalles de granit, sur le modèle de la place Saint-Georges.
L’abribus actuel desservant les lignes 54 et 40 ne sera pas impacté par les travaux, mais le terminus de la ligne 30 a été déplacé à l’est de la place, au pied du lycée Jacques Decour, depuis l’année dernière.
La colonne de verre trouvera une nouvelle place sur le boulevard de Clichy, la station de taxi sera déplacée. Les candélabres de style, eux, demeurent, et seront modernisés par l’ajout d’un éclairage LED.
L'abribus de la place dessert les lignes 54 et 40.
Vue de la place Pigalle - avril 2023
Le portail de l’avenue Frochot
Tout le monde s’accorde sur un point : la tôle ondulée de couleur verte qui ferme l’avenue Frochot donnant sur la place Pigalle gâche le paysage urbain. Régulièrement taguée et installée sans autorisation en 2008, elle sera remplacée. « Les discussions avec la copropriété se poursuivent et sont en bonne voie » ajoute, optimiste, Delphine Bürkli.
Ses représentants se sont déclarés contre la mise en place d’une grille ouvragée rappelant l’histoire du lieu, comme c’était le cas jusque dans les années cinquante, mais sont plutôt réceptifs à l’ajout d’une fresque artistique sur un mur lisse, proposé par la mairie. Un appel à projet aura lieu.
Derrière la tôle sont entreposés les containers à ordure de la copropriété de l'avenue Frochot
Le Folie's Pigalle
L’immeuble imposant, frappé d’une injonction de ravalement, a été mis en vente après le décès de la propriétaire. En rez-de-chaussée, le club de nuit qui fut l’un des plus en vue du Paris des années quatre-vingt dix n’a pas retrouvé de sa superbe. Ancien cinéma avec décor à l’italienne, l’endroit se transforma en cabaret de nus dans les années soixante, sous la poigne efficace d’Hélène Martini qui régna pendant des années sur un véritable empire (théâtres, clubs, Folies Bergère…) et décéda chez elle à 93 ans, en 2017.
La maire a émis le vœu d’un nouveau lieu mixte, accueillant logements, ateliers d’artistes, et activité commerciale et culturelle en rez-de-chaussée.
L'immeuble du Folie's Pigalle, frappé d'une injonction de ravalement, a été mis en vente.
Les travaux programmés à partir de mai 2023 devraient s’achever en mars 2024, à temps pour accueillir les millions de visiteurs attendus pour les Jeux Olympiques dont les retombées sont évaluées à 3,5 milliards d’euros.
Delphine Bürkli entend, comme elle s’y était engagée lors des municipales « rendre sa splendeur à la place Pigalle. »
Frédérique Chapuis
👉 Pour vous replonger dans les riches heures de la place Pigalle, vous pouvez lire l’article de notre confrère Montmartre Addict.